Une nouvelle production de l’opéra Roméo et Juliette de Gounod, sera à l’affiche au Festival d’opéra de Québec, à compter de vendredi, 28 juillet. Avec Thomas Bettinger et Hélène Carpentier dans les rôles-titres, le spectacle réunit une dizaine de solistes et le Chœur de l’Opéra de Québec ainsi que l’Orchestre symphonique de Québec. La mise en scène est de Pierre-Emmanuel Rousseau qui signe aussi le décor et les costumes. Entrevue avec cet artiste français à la longue feuille de route.
Rivalités
Comment présenter, en 2023, un opéra inspiré d’une oeuvre de Shakespeare, écrite il y a plus de 400 ans? Chose certaine, la partition de Gounod, créée en 1867, comporte plusieurs airs qui sont, encore aujourd’hui, parmi les favoris du public, qu’on pense à Je veux vivre (Juliette) et Ah ! lève-toi, soleil ! (Roméo). Quant au destin tragique des célèbres amoureux de Vérone, il touche à l’essentiel des êtres humains de tous les temps, tiraillés entre l’amour et la haine.
« J’ai situé l’action à la fin du XIXe siècle, pendant la Révolution industrielle, ce qui correspond un peu à l’époque de la création de l’opéra», explique le metteur en scène. «L’histoire ne se résume pas à une rivalité entre deux familles. Il y a aussi la question de rivalités entre classes sociales. Les Capulet sont propriétaires d’une mine et Roméo Montaigu est l’un des ouvriers. L’essentiel du drame est là! On n’accepte pas que la fille du patron épouse un ouvrier! »
«Un thriller»
Depuis une vingtaine d’années, Pierre-Emmanuel Rousseau a fait sa marque à l’opéra en signant à la fois la mise en scène, les décors et les costumes.
Ce fut le cas, entre autres, pour Le Barbier de Séville (Rossini) à l’Opéra National du Rhin, en 2018/19. Au fil des ans, il a collaboré avec de prestigieux maestri dont John Eliott Gardiner, William Christie et Christophe Rousset.
Cet été, monsieur Rousseau est arrivé à Québec avec quelque 80 costumes obtenus grâce à la collaboration de l’Opéra de Marseille. «Tous ces costumes sont adaptés ici en fonction des interprètes.»
Quant au décor, «il est construit, ici, avec des murs de 8 mètres de haut! C’est comme si nous étions dans le salon des Capulet, une famille riche qui possède une importante mine. Il y a d’ailleurs beaucoup de mouvements de décors, car le salon des Capulet se transforme progressivement en mine!»
Le metteur en scène s’occupe de tout ce qui a trait à l’aspect visuel, pour s’assurer de créer un environnement scénique fidèle à la progression de cette histoire déchirante qu’il qualifie de «thriller bouleversant!».
En effet, comment rester insensible, entre autres, aux terrifiants rebondissements de l’Acte V où Roméo croit que son épouse est morte et décide de la rejoindre dans la mort. Une fois dans le tombeau (« Salut, tombeau / Ô ma femme, ô ma bien-aimée »), il s’empoisonne mais, alors qu’il agonise, Juliette se réveille. Horrifiée par cette situation, elle se poignarde. Avec leurs dernières forces, tous deux chantent « Viens, fuyons au bout du monde ». L’opéra se termine, comme le drame shakespearien, par la mort des amants.
Soif d’absolu
«Il ne faut surtout pas tomber dans la mièvrerie! Il faut que les corps des interprètes traduisent cette soif d’absolu et cette course à l’abîme qui sont au cœur de Roméo et Juliette. Heureusement, dans cette distribution, il y a adéquation entre le physique des chanteurs et leurs voix. Ils sont très crédibles!»
Dans le rôle de Roméo, on retrouve le ténor français Thomas Bettinger qui incarnait le personnage-titre du Faust de Gounod, présenté au Festival d’opéra de Québec, l’an dernier. La soprano française Hélène Carpentier se glisse dans la peau de Juliette, alors que la basse Patrick Bolleire, originaire de Belgique, devient le Frère Laurent.
Le metteur en scène apprécie également de pouvoir collaborer avec le directeur musical français Laurent Campellone. «On se connaît depuis une vingtaine d’années et c’est pourtant la première fois qu’on travaille ensemble!»
Ce chef d’orchestre est considéré comme un spécialiste de l’opéra français et on le compare parfois à l’illustre Michel Plasson. Monsieur Campellone a été invité à diriger, tant le répertoire romantique français que celui de l’opéra-comique, par de grandes institutions lyriques dont, le Théâtre Bolchoï, Deutsche Oper Berlin (Opéra allemand de Berlin) et l’Opéra de Monte-Carlo.
Roméo et Juliette de Gounod
Salle Louis-Fréchette — Grand Théâtre de Québec
28 juillet à 19h 30
30 juillet à 14h
1er août à 19h 30
Un nouvel opéra inspiré d’une pièce de Michel Tremblay
Depuis 2011, le Festival d’opéra de Québec poursuit sa mission de faire rayonner l’opéra en français. Cette semaine, on assistera d’ailleurs à une création. Il s’agit d’une adaptation à l’opéra de la pièce de théâtre de Michel Tremblay, Messe solennelle pour une pleine lune d’été. Voir notre texte sur ce spectacle.
La 12e édition du Festival d’opéra de Québec se déroule du 23 juillet au 2 août. Détails
*Photo d’accueil: Thomas Bettinger et Hélène Carpentier
Crédit: Catherine Charron-Drolet