La 44e édition du Festival international de jazz de Montréal s’est terminée avec un concert où l’on a célébré la longue et prolifique carrière du pianiste Oliver Jones qui aura 90 ans, en septembre. Entouré d’amis musiciens dont les pianistes Lorraine Desmarais et Taurey Butler, ainsi que la chanteuse Ranee Lee, le Montréalais d’ascendance barbadienne a brièvement résumé sa longue carrière. «J’ai commencé il y a 85 ans», a-t-il d’abord souligné avec des trémolos dans la voix.
Blagueur, l’artiste qui est entré en scène vers 23h30, a su faire rire ses admirateurs: «Habituellement, à cette heure-ci, je suis couché!» L’heure tardive n’aura toutefois pas empêché Oliver Jones de nous démontrer que sa passion pour son instrument demeure intacte! Il a d’ailleurs interprété, magistralement, une pièce de son mentor, Oscar Peterson. Compte-rendu d’une soirée unique.
Quand le temps s’arrête…
Tout d’abord, bravo au FIJM! On se souviendra longtemps du spectacle «Oliver Jones at 90: a celebration with friends», une véritable rencontre entre musiciens emblématiques de la scène montréalaise, rarement réunis à la Place des Arts! Ce spectacle aura été une sorte de rendez-vous avec l’histoire!
D’entrée de jeu, l’intemporelle Lorraine Desmarais s’est amenée sur scène, avec Éric Lagacé à la contrebasse et Jim Doxas à la batterie. Toujours mince et bien droite, la sexagénaire est elle-même devenue une icône du Festival de jazz de Montréal, où sa carrière a pris son envol, il y a 40 ans.
Rigoureuse, la pianiste a ouvert le bal avec une interprétation pétillante de Dizzy-Nest, d’Oliver Jones, avant de poursuivre avec le standard When Summer Comes. Il n’en fallait pas plus pour qu’une douce atmosphère de fête s’installe au Théâtre Jean-Duceppe, en ce samedi soir où le temps semble s’être arrêté.
En plus de rendre hommage à un pianiste légendaire, on a su souligner les talents de ce compositeur né dans la Petite-Bourgogne, en reprenant sa douce pièce Lights of Burgundy, jouée avec brio par le pianiste d’origine cubaine Rafael Zaldivar.
Au programme, également, Fulford Street Romp, un autre morceau de monsieur Jones, interprété par Taurey Butler. Ce pianiste d’origine américaine est reconnu, entre autres, pour la tradition qu’il a créé, à la Salle Bourgie, en reprenant, année après année, souvent à guichet fermé, le concert Le Noël de Charlie Brown.
De Vince Guaraldi à Gershwin, ce colosse semble pouvoir tout jouer avec aisance. Il nous entraîne d’ailleurs dans un intense medley d’extraits de I loves you, Porgy, Summertime, etc., aux côtés de l’énergique Ranee Lee, maintenant âgée de 81 ans.
C’est donc après toutes ces performances qu’est apparu le roi de la soirée, véritable monument du Festival qui a brillé sur scène, dès la deuxième année du FIJM, en 1981 ! Plus de 40 ans plus tard, en ce 6 juillet 2024, on retient son souffle en voyant le musicien s’avancer laborieusement, en marchant avec une canne.
Malgré le poids des ans, l’homme est resté jovial. Humble, il remercie d’abord le public puis, tous ces artistes qui ont fait honneur à sa musique. Éternel optimiste, monsieur Jones estime que Montréal a tout pour contribuer à l’épanouissement des musiciens. En début de soirée, il a d’ailleurs remis au saxophoniste, Alex Ambroise, le Prix Oliver Jones qui a pour but d’honorer de jeunes musiciens de niveau universitaire qui se considèrent comme faisant partie d’une minorité visible.
Sans prêchi-prêcha, le vétéran nous démontre une fois de plus avec éloquence que son langage est la musique. À deux mois de ses 90 ans, le pianiste nous entraîne dans un sommet d’émotion avec son interprétation tout en nuances d’une pièce du Montréalais Oscar Peterson, Hymn to Freedom. Frissons!
Avec la satisfaction du devoir accompli, Oliver Jones quitte la scène, ému et porté par une longue ovation de spectateurs qui pourront fièrement dire au sujet de cette soirée unique: «J’étais là !»
Crédit photo: Victor Diaz Lamich
«Oliver Jones at 90: a celebration with friends», co-animé par Céline Peterson et Jim Doxas, était présenté au Théâtre Jean-Duceppe, le 6 juillet 2024, dans le cadre du FIJM