L’un des attraits de la programmation du Festival de musique de chambre, cette année, est certainement la présentation de l’intégrale des symphonies de Beethoven, transcrites pour le piano par Liszt. Le coup d’envoi de cette série de concerts était confié à Alexander Ullman, Premier Prix au Concours international de piano Liszt, en 2017.
Après une entrée en matière plutôt sage avec la transcription de la Symphonie no 1, le fougueux pianiste, né en 1991 au Royaume-Uni, s’est jeté corps et âme dans l’«Eroica» que le grand Ludwig avait d’abord dédiée à Napoléon Bonaparte, avant de renoncer à cette dédicace en apprenant que ce dernier s’était fait couronner empereur. Malgré quelques notes escamotées, Ullman prouve qu’il a l’étoffe pour se mesurer à ces stupéfiantes transcriptions du grand virtuose du piano du 19e siècle qu’il transforme en feu d’artifice musical ! La puissance de son jeu s’impose dès l’«Allegro con brio». L’«Allegro vivace» est flamboyant ! Emporté par son élan, le jeune homme va jusqu’à asséner un vigoureux coup de sa main gauche à une page de la partition qui allait se retourner d’elle-même prématurément. Du rarement vu en concert ! Intense !
Dommage qu’il y ait eu si peu de mélomanes au rendez-vous ! Cela dit, on peut voir gratuitement monsieur Ullman, ce mercredi (12 juin) midi, toujours à la Salle Bourgie. Il jouera, entre autres, la «Suite Casse-Noisette« (1892 ) de Tchaïkovski et la «Suite L’Oiseau de feu» (1910) de Stravinski.
«Grands interprètes» : Un quatuor venu de France
En soirée, surprise au concert «Grands interprètes» qu’on croyait axé sur le ténor Joseph Kaiser. Ce dernier sera resté sur scène, moins d’une demi-heure, pour interpréter des airs folkloriques de Beethoven, dont «Enchantress, Farewell, extr. de 25 Scottish Songs, opus 108». Plus encore, monsieur Kaiser, chantait en alternance avec Jeanne Ireland, une mezzo-soprano plutôt terne, du moins durant les quelques airs entendus. Tous deux étaient accompagnés du pianiste Alon Goldstein, ainsi que de Martin Beaver, autrefois premier violon du Tokyo Quartet et du violoncelliste Denis Brott, fondateur et directeur artistique du FMCM. Kaiser est revenu pour chanter, en première canadienne, une très courte pièce, constituée à partir de manuscrits restés intacts depuis la guerre et trouvés au Musée Auschwitz-Birkenau : «Die Schönste Zeit des Lebens» (La plus belle époque de la vie) de Franz Grothe (1908-1982). Belle prestance, mais passage trop court pour savoir où en est ce ténor qui s’était inscrit comme baryton au Placido Domingo’s Operalia International Opera competition, où il a gagné le deuxième prix, en 2005.
Arrive ensuite le Quatuor Danel spécialisé dans le répertoire russe et qui s’est fait remarquer, entre autres, pour ses enregistrements de Chostakovitch et Mieczyslaw Weinberg. Véritable démonstration de virtuosité, le «Quatuor à cordes en si bémol majeur no 5» de Weinberg n’en demeure pas moins aride. Enfin, l’ensemble français, épaulé par Alon Goldstein, offre l’un des plus beaux moments de la soirée avec le «Quintette pour piano no 2, opus 81» de Dvořák . Sublime mélodie au violoncelle durant la douce ouverture du premier mouvement ! Ce «refrain» nous reste en tête. De plus, il faut voir les violonistes Marc Danel et Gilles Milet se contorsionner en allongeant une jambe comme s’ils marchaient dans l’espace ! Intense !
Ces merveilleux musiciens sont de retour à la Salle Bourgie, à 20 h, ce mercredi (12 juin). Ils accompagneront, entre autres, Joseph Kaiser qui interprétera des lieder de Strauss.
À 17 heures, ce sera au tour de la pianiste Jocelyn Lai de se mesurer aux transcriptions de Liszt des symphonies no 2 et no 6 de Beethoven.
La 24e édition du Festival de musique de chambre de Montréal , (intitulée «Beethoven chez nous !»), se poursuit, jusqu’au 16 juin, à la Salle Bourgie.
Photo du pianiste Alexander Ullman, invité du Festival de musique de chambre de Montréal.