La très riche programmation du Festival du Nouveau Cinéma attire de nombreuses foules à la fois au Cinéma Impérial et aux salles du Cinéma du Parc, du Quartier latin, du Musée des Beaux Arts et de la Cinémathèque québécoise. En compétitions officielles se retrouvent des courts métrages et désormais d’excellents longs métrages car il y a 23 prix différents au total dans treize catégories, cela en plus des présentations spéciales des incontournables de l’heure ou de l’histoire du cinéma et enfin des exclusivités en première.
The Song of Names
Ce sont ces dernières que nous avons visionnées dont le dernier film du cinéaste canadien François Girard, The Song of Names, où le violon est encore à l’honneur à travers une histoire de dispersion de famille juive au temps de la Shoah dans le cadre de laquelle un virtuose apostat retrouve la foi intégriste et abandonne très subitement la carrière de virtuose le soir même de son triomphe musical prévu, devant public anglais, moment tant attendu où un chant de noms des défunts le poussera à laisser en plan une salle comble rentrant dès lors chez elle bredouille.
L’histoire contient en trame sonore des échos assez rapprochés du fameux Violon rouge de Girard mais l’histoire souffre d’invraisemblances pour quiconque connaît les exigences de la pratique virtuose du violon et celles de la carrière musicale classique ou celles encore plus grandes de la mémoire glorieuse des interprètes qui ne saurait survivre à trente ans de silence et d’absence quelque impresario doué qu’on soit! La psychologie des protagonistes dénote aussi un peu de faiblesse car l’amitié n’est pas crédible entre deux garçons quand un d’eux est aussi méprisant et dénigrant face à l’autre (trop peu gentil en tout) que ledit héros du film.
Adults in the Room
Un autre film bien plus percutant que je recommande pour son fil d’actualités tragiques restera celui du grand Costa-Gavras offrant dans Adults in the Room, un enlevant résumé de la crise financière grecque qui nous menacera tôt ou tard des mêmes agenouillements obligés devant le pouvoir des oligarques contrôlant l’économie mondiale. Le film reconstitue la réalité vécue depuis 2010: il nous montre les manoeuvres de Christine Lagarde (Josiane Pinson), ex-directrice du Fonds Monétaire international devant les étranglements opérés par ses acolytes de connivence soit les Allemands de la haute finance à l’encontre du gouvernement grec d’Alexis Tsipras (Alexandros Bourdoumis) ayant depuis cédé malgré les héroïques plaidoyers du ministre grec des finances, Yanis Varoufakis (Christos Loulis). Ceci est tiré du livre My Battle with Europe’s Deep Establishment où ce récit extraordinaire s’étale pour faire voir que les peuples n’ont plus aucun pouvoir démocratique de conséquence en quelque lieu terrestre que l’on soit, hélas.
Douleur et Gloire
Le dernier film de Pedro Almodovar, Douleur et Gloire avec l’inestimable Antonio Banderas, s’il monte d’un cran en excellence le niveau de l’affabulation par rapport à ce qu’Almodovar nous a offert dernièrement en terme d’intimité ou d’intensité dramatique, n’atteint pas le brio du célébrissime Tout sur ma mère et malgré l’excellent jeu de Banderas ayant obtenu à Cannes le Prix d’interprétation masculine pour ce rôle, nous restons sur notre faim surtout si on considère la pauvreté de la trame musicale et sonore. Sans musique ou chansons déchirantes pour emporter le coeur, aucun grand film d’Almodovar ne se distingue durablement.
Sorry We Missed You
En fait, à mi-parcours c’est un film du grand cinéaste anglais Ken Loach intitulé Sorry We Missed You qui contient le suspense humain et émotif le plus bouleversant de ce festival (à mi-parcours) car il révèle l’état de souffrances des travailleurs de la classe moyenne non syndiquée en Angleterre, du vrai Émile Zola où le naturalisme tragique se refait comme Copeau dans l’Assommoir: on assiste au naufrage progressif de toute une famille par causes et effets. Endettements, conditions de travail du capitalisme sauvage, pièges de la délinquance adolescente, déchirements conjugaux face à l’épuisement causé par le surmenage du travail inhumain prenant toute la place…
Si ce n’était de deux incohérences dans la psychologie des personnages enfantins causant bêtement l’événement pathétique central du tragique drame de cette famille, Loach aurait signé un chef-d’oeuvre de dénonciation socio-politique malgré sa fin désespérée de toute conclusion encourageante.
Le jeune Ahmed
Enfin, il me faut parler d’un film relatant la radicalisation islamiste des adolescents et pubères qu’il faudrait projeter dans toutes les écoles de notre pays et le faire suivre de discussions houleuses, soit le film Le jeune Ahmed de Jean-Pierre et Luc Dardenne. Prix de la mise en scène à Cannes, le film met en valeur les talents de l’acteur adolescent Idir Ben Addi dans le rôle du jeune pubère violent et vulnérable si atrocement manipulé par un imam belge. Le film ne souffre que de sa conclusion où la main offerte par l’adolescent à sa maîtresse d’école venant encore le secourir malgré les faits insultants et donc que cette main saisie ne peut logiquement devenir réconciliée avec la tolérance quand elle n’a eu de cesse avant une chute quasi fatale de n’être que meurtrière, misogyne et misanthrope.