Du nouveau à l’agenda culturel, avec La Semaine du Neuf, un clin d’œil aux «Événements du neuf», imaginés par Claude Vivier et d’autres grandes figures de la musique contemporaine montréalaise. Quarante ans après la disparition de ce compositeur québécois de renommée internationale, le diffuseur Le Vivier lui rend hommage pendant dix jours, aux rythmes de spectacles multidisciplinaires, projections ainsi que des rencontres et discussions avec le public.
Le concert d’ouverture de La Semaine du Neuf sera d’ailleurs dirigé par Lorraine Vaillancourt qui a bien connu Vivier. Entrevue avec la chef d’orchestre et directrice artistique du Nouvel Ensemble Moderne.
Témoignage d’une pionnière
La toute première édition de La Semaine du Neuf permettra au public de découvrir ou redécouvrir l’oeuvre de Claude Vivier décédé à l’âge de 34 ans en 1983. Cet artiste québécois était d’ailleurs considéré comme «le compositeur le plus important de sa génération» par le célèbre compositeur György Ligeti.
Le 7 mars, à la salle Claude-Champagne, le concert d’ouverture sera consacré à des oeuvres de la dernière période du répertoire de Vivier, dont Trois Airs pour un opéra imaginaire, avec la soprano Myriam Leblanc. Le NEM interprétera aussi une pièce-hommage à Vivier du compositeur serbe Marko Nikodijevic.
En début de soirée, il y aura une causerie réunissant, entre autres, le compositeur John Rea et la musicienne Lorraine Vaillancourt qui ont tous les deux participé à la création des «Événements du neuf» avec Claude Vivier, à la fin des années 1970.
À tous les 9 du mois, à 9 heures du soir, on présentait un concert dédié à la musique de création pour explorer les différentes tendances de la musique contemporaine. «Le but était tout simplement de partager avec le public nos découvertes musicales! C’était passionnant!», raconte madame Vaillancourt.
«J’ai connu Claude à la Faculté de musique de l’Université de Montréal. Ça nous a permis de créer ces événements, en ayant accès à tout un bassin d’étudiants en musique. Nous n’avions pas d’équipe derrière nous. C’était nous l’équipe! Nous vendions nous-mêmes les billets pour ces concerts! On montait même dans des échafaudages pour faire les éclairages!»
Ça se déroulait dans différents lieux dont certains ont disparu comme le Conventum. D’autres soirées ont eu lieu au Théâtre Denise-Pelletier ou encore dans une salle située au 1020 du Chemin de la Côte Sainte-Catherine.
Un compositeur intense
«Les oeuvres de Claude sont toujours plutôt surprenantes et parfois bizarres au niveau des orchestrations. Elles sont aussi très exigeantes! On les traverse un peu comme un funambule, en espérant se rendre de l’autre côté sans tomber», résume la chef d’orchestre.
«Il était aussi très attaché à la voix qu’il utilisait comme un instrument de l’orchestre avec une grande intensité! Ils ne respirent jamais ses chanteurs! Il n’y a que très peu d’arrêts, dans les partitions de Claude, pour leur donner le temps de reprendre leur souffle. Ça prend des poumons d’acier pour chanter les oeuvres de Vivier! Et c’est toujours en langue inventée, comme un enfant qui s’invente un langage. Ça vient du coeur! C’est très beau!»
Madame Vaillancourt se souvient avec tendresse de ce jeune compositeur au caractère entier. «Il était très direct! Rien de plaqué sur sa personne! Il me téléphonait à n’importe quelle heure pour me faire entendre ce qu’il était en train de composer en me disant écoute comme c’est beau! Il se mettait au piano, un instrument archi-faux et il chantait par dessus! Vraiment, Claude n’avait aucun filtre! C’est quelqu’un qu’on adoptait.»
«Les événements du neuf» se sont poursuivis durant une douzaine d’années, mais Vivier a quitté le navire au début des années 1980 pour aller vivre en Europe. Il a été assassiné à son domicile parisien le 7 mars 1983, un mois avant son 35e anniversaire.
«Je dirais que c’était un compositeur à l’ancienne, inspiré par une muse, on se sait trop laquelle», ajoute Lorraine Vaillancourt. Cette observation n’est pas sans rappeler les mots de Vivier qui résumait ainsi sa démarche artistique : «Ce n’est pas moi qui écris ma musique, c’est peut-être les fleurs que j’ai senties, le geste que j’ai fait, les êtres que j’ai vus, ou les étoiles, on ne sait jamais. La musique est amour, comme tout est amour.»
Vivier dans tous ses états!
La Semaine du Neuf offrira également des rencontres entre différentes disciplines artistiques, notamment, avec le Projet Lonely Child (9 mars, au Monument-National) de Stacie Dunlop. La chanteuse torontoise sera accompagnée d’Angola Murdoch (tissu aérien) et de Holly Treddenick (cube aérien) qui allieront les arts du cirque aux musiques nouvelles représentées par les interprètes montréalai·se·s David Therrien-Brongo et le Quatuor Bozzini.
De son côté, le collectif vocal Phth présentera «une audacieuse version cinématographique» de Love Songs (15 mars, au Monument-National), pour «célébrer notamment les identités multiples, où l’androgynie, l’ambiguïté des genres et la sexualité libre révèlent les mutations du monde contemporain.»
Enfin, l’ensemble Paramirabo offrira le concert de clôture intitulé Prolifération (17 mars, salle de concert du Conservatoire de musique de Montréal). Au programme : des oeuvres de Claude Vivier et de deux de ses professeurs l’ayant grandement influencé : Karlheinz Stockhausen et Gilles Tremblay.
La Semaine du Neuf / hommage au compositeur québécois Claude Vivier