Sauvez mon âme, Si fragile, Cash City, etc., Luc De Larochellière présente un spectacle où il va jouer toutes les chansons de l’album Sauvez mon âme, dans l’ordre où elles ont été gravées sur disque, il y a plus de 30 ans. Il sera entouré de musiciens et choristes qui l’accompagnaient à l’époque. En première partie de cette soirée offerte dans le cadre du Coup de cœur francophone, l’auteur-compositeur va aussi interpréter, dans l’ordre, toutes les chansons de l’album Amère América, en version acoustique. Entrevue avec un artiste reconnaissant envers la vie de lui permettre ce précieux rendez-vous anniversaire !
Oeuvre marquante de la chanson québécoise, l’album Sauvez mon âme, sorti en 1990, renaît. Il vient d’être remasterisé et rendu disponible sur différentes plateformes de diffusion. Il est aussi maintenant gravé sur disques vinyles pour la première fois au Québec, où l’on avait initialement misé sur le CD dont on a vendu quelque 200 000 copies.
Saisir l’essence d’une époque
«Sauvez mon âme m’a été inspirée surtout par les scandales impliquant des télévangélistes américains et l’exploitation des gens à travers la religion. Aussi, durant ma jeunesse à Laval, je me souviens d’avoir côtoyé des voisins séduits par des dogmes et portés par une certaine euphorie religieuse.»
Si on écoute encore cet album aujourd’hui, c’est aussi à cause de la grande diversité des ambiances musicales et des thèmes abordés. Si fragile, entre autres, s’impose comme une intemporelle, voire, une immortelle. «Je l’ai écrite, paroles et musique, en moins d’une heure et je n’ai pas changé une ligne ! Quelqu’un de mon entourage avait tenté de se suicider. La chute m’est arrivée comme une évidence : la vie est si fragile.» Au-delà de ce constat, l’auteur-compositeur, âgé dans la vingtaine à cette époque, adopte un ton mature et nuancé. Entre autres, il rompt avec la logique habituelle de condamnation des mieux nantis : «On marche sur l’or ou sur l’argile / Dépend de ce qu’on a reçu / On reste tout aussi fragile / Pourquoi donc se marcher dessus ?»
Ma génération
Alors que les musiques de Sauvez mon âme sont, en général plutôt rythmées, les propos, eux, sont souvent sombres.
MYC En 1990, vous chantiez : «Ma génération n’a plus d’histoire à raconter…» Pourtant, des décennies plus tard, vous prévoyez lancer bientôt un album de nouvelles chansons !
L D L (Éclat de rire). C’est vrai ! En fait, Ma génération exprime la désillusion des jeunes qui avaient mon âge. Né en 1966, je suis de la génération X qui a grandi avec les rêves des baby boomers faisant miroiter la société des loisirs. Mais, ça ne s’est pas concrétisé. Plus encore, c’était difficile pour nous d’entrer sur le marché du travail dans les années 80. Les jobs étaient rares ! Cela dit, la désillusion est sans doute tout aussi grande pour les jeunes d’aujourd’hui qui tentent de se faire une place dans la société.
Les aventures françaises
«Tout l’monde veut que tout l’monde l’aime mais personne n’aime tout le monde…» Le refrain de Cash City s’est aussi frayé un chemin en France, où cette chanson aurait été au palmarès durant une vingtaine de semaines, en 1991 et 1992, culminant à la 11e position. 250 000 copies du 45 tours Cash City se seraient écoulées dans l’Hexagone où l’album Sauvez mon âme aurait trouvé 80 000 preneurs.
MYC Avez-vous rêvé de faire carrière en France ?
LDL J’ai eu ce désir d’être reconnu là-bas. Mais, il aurait fallu que j’aille m’y installer, alors que ça marchait bien ici.
MYC Paris semble vous avoir inspiré. Vous avez d’ailleurs écrit la chanson Avenue Foch, évoquant cette prestigieuse artère parisienne qui est l’une des douze avenues de l’Étoile.
LDL Oui, j’ai fréquenté ce secteur, un peu avant l’époque de Sauvez mon âme. À ce moment, ma blonde était la fille du délégué général du Québec à Paris, chez qui j’ai séjourné à quelques reprises.
MYC D’autre part, diriez-vous que vous avez été influencé par l’icônique J’suis snob de Boris Vian pour écrire J’suis bourgeois ?
LDL Tout à fait ! Musicalement, c’est jazzy un peu dans le style de Vian. Pour ce qui est des paroles, j’ai voulu me moquer un peu de moi-même et souligner que je me permets des critiques sociales, alors que je n’ai jamais manqué de rien ! Cela dit, j’ai certains réflexes bourgeois mais je ne crois pas l’être. Je suis de la classe moyenne. Je ne suis pas allé à Brébeuf, mais plutôt au cégep du Vieux Montréal et à l’UQÀM.
Amère América
Luc De Larochellière profitera aussi de cette soirée anniversaire au théâtre Outremont pour interpréter toutes les chansons de son premier disque : Amère América, La route est longue, Chinatown blues, etc., «Nous avions tout joué en version plutôt électrique, lors du trentième anniversaire de l’album, en 2018. Histoire de faire changement, cette fois-ci, nous optons pour des versions acoustiques.»
Retrouvailles rares
«Ces deux albums sont les assises de ma carrière et c’est sans doute la dernière fois qu’on peut se permettre de les jouer avec les musiciens qui étaient là au début.» Certains ont déjà considérablement ralenti leur train de vie, mais ce n’est pas le cas du percussionniste Paul Picard qui a maintenant dépassé le cap des 70 ans. «Il est le plus âgé de notre groupe et probablement aussi l’un des plus actifs. Entre autres, il travaille avec Céline Dion depuis des années !»
L’un des piliers de l’équipe De Larochellière, le guitariste Marc Pérusse, sera évidemment de la partie, de même que le batteur Sylvain Clavette, le bassiste Yoland Houle, le claviériste Gérard Cyr, ainsi que les choristes Monique Paiement et Dominique Faure. «C’est un gros conventum de musiciens!»
Tourné vers l’avenir
«J’avais 19 ans quand j’ai écrit Amère América et je la chante encore, car il me semble important de rappeler que nous bénéficions de richesses souvent liées à la pauvreté d’autres parties du monde. Il ne faut pas oublier la fragilité de l’Amérique.»
Sur ce disque, il y a aussi la toujours actuelle Les élections. Fédérales, provinciales, municipales, ce ne sont pas les occasions qui manquent de réécouter cette chanson. «J’en profite pour souligner que mon portrait des élections est caricatural ! Cela dit, même si on a l’impression que ces grandes consultations publiques ne changent pas grand chose, je crois qu’il faut continuer d’aller voter. Nous avons là un certain pouvoir sur les décisions qui seront prises. À nous de l’exercer. Bref, ces chansons d’hier risquent d’être encore d’actualité dans l’avenir.»
Voir mes enfants grandir
En plus de retrouver ses complices musiciens et de s’apprêter à lancer, d’ici la fin de 2021, un album de douze nouvelles chansons, Luc De Larochellière semble être un homme comblé dans sa vie personnelle. «J’ai une grande fille de 26 ans et le jour où elle a quitté la maison est arrivé mon fils qui a maintenant 5 ans. Je vis donc une nouvelle expérience de la paternité très différente de la première. Bien sûr, j’avais plus d’énergie à 29 ans, mais j’étais aussi beaucoup plus angoissé et tiraillé par des questionnements personnels. À 55 ans, je ressens davantage de sérénité et je suis plus conscient de la valeur du temps qui passe.»
Luc De Larochellière / Théâtre Outremont, 6 novembre 2021 à 20h
Programme :
Toutes les chansons de Sauvez mon âme dans l’ordre où elles ont été gravées sur l’album
Toutes les chansons de Amère América, en versions acoustiques, dans l’ordre où elles ont été gravées sur l’album
Présenté dans le cadre de Coup de cœur francophone qui se déroulera du 4 au 14 novembre 2021 dans une quinzaine de salles montréalaises.
Consultez le site de Coup de cœur francophone