Le programme double Premiere & Parallel reposait beaucoup sur la découverte d’une culture, de mœurs. Confrontés à une réalité qui n’est pas la nôtre, nous sommes délicatement amenés à comprendre les danseuses et leurs origines, qui peuvent faire sourire ou réfléchir. Une œuvre poétique et conceptuelle, qui rassemble autant qu’elle déroute.
Il se dégage de ces créations, un profond respect et un sentiment d’admiration mutuelle entre les artistes. La prémisse de base fait état d’une collaboration exceptionnelle entre un chorégraphe juif, Elad Schechter et une danseuse arabe, Rand Ziad Taha. Un fait assez rare pour être souligné.
Dans Premiere, la danseuse Rand Ziad Taha nous expose ce que l’on suppose être sa jeunesse ou celle des jeunes en Palestine : un baladeur des années 80, un Polaroid, une conversation avec sa mère et son chapelet arabe, le masbaha. La danse est ici prétexte à l’union de ces différents éléments. Une chorégraphie ressentie et très ancrée, sur une musique traditionnelle ou dans le silence. Pas de démonstration de force ou d’aptitudes, mais une invitation à regarder et à écouter.
Le texte du masbaha est particulièrement saisissant. Telle une prière, il est déclamé par la danseuse. On sent le poids de la tradition, mais surtout l’importance de la symbolique associée à cet objet, d’apparence simple et de portée intemporelle.
Parallel est plus dur dans sa genèse, car Rand Ziad Taha de nouveau et Hala Salem – toutes deux interprètes et chorégraphes – traite de la violence mentale, émotionnelle et sociale que les femmes arabes doivent endurer toute leur vie. La présence autoritaire de l’homme, le mariage de principe et d’honneur, une succession d’obligations qu’elles doivent accepter sous des prétextes flous. Le contraste avec la chanson jouée et chantée en sourdine amplifie le malaise et ne parvient jamais à les consoler. La chorégraphie lie les deux danseuses de manière intime et fragile. Elles se nourrissent de la force de l’autre et choient par leurs craintes et leurs doutes. Un très beau travail physique, fluide et souple, parsemé d’éléments propre à leur culture, comme la glaise.
C’est dans l’interprétation des éléments qui nous sont distillés dans chacune des chorégraphies, que nous nous perdons. Ses créations veulent inviter le public à rencontrer des gens, des pays, des traditions, mais conscientes ou non, des « barrières » empêchent cette communion. La langue d’abord, qui n’est traduite qu’une fois durant Premiere, sur un panneau lumineux, faisant défiler un texte rouge vacillant, rappelant les enseignes des dépanneurs. Un inconfort visuel qui nous éloigne du propos. De la même manière dans Parallel, beaucoup de questions demeurent sur les us et coutumes qui siéent aux femmes : la signification de l’eau, de la glaise, de la chanson…
Peut-être est-ce un premier pas, un éveil de notre curiosité que nous devons transformer en compréhension puis apprentissage?
Crédit photo : Denis Martin
Pour plus d’informations sur la programmation de l’organisme Tangente, visitez le tagentedanse.ca.