Le film franco-belge intitulé La fille au bracelet dirigé par Stéphane Demoustier comporte un suspense de verdict judiciaire comme on le faisait autrefois au vieux cinéma noir et blanc dans la Vieille France. Mais les couleurs d’aujourd’hui permettent l’analyse psychologique des suspects à leur faciès: quel bourbier inextricable lorsque, sans preuve accablante et pourvu de seules circonstances accablantes, des meurtres crapuleux bel et bien commis doivent être élucidés (pas besoin de se rendre dans les lointaines régions de certains départements très excentrés).
Avec le toujours excellent Roschdy Zem cette fois dans le rôle du père de Lise (Mélissa Guers – photo), adolescente accusée du meurtre de sa meilleure amie avec laquelle elle entretenait des rapports très intimes sans en être amoureuse. C’est surtout un portrait du monde adolescent d’aujourd’hui qu’on dresse avec ses habitudes non pas libertines mais affranchies du diktat parental quand aux frontières de l’amour, de l’amitié, de la sexualité, de l’attachement tout à fait valables mais placées au loin des emportements catégorisés de jadis lorsque tout était étiqueté sans nuances.
Bien entendu, il faut aimer le combat judiciaire et savoir écouter calmement la rhétorique insidieuse des plaidoyers en leurs répliques et réparties manipulatrices, surtout celles de la Procuratrice générale (Anaïs Demoustier en Avocat général alors qu’ici en en droit criminel anglais il s’agit de la Couronne) insensible jusqu’à s’en rendre pathétique d’acharnement rigoureux. Mais il faut écouter tout autant les arguments encore plus à propos de l’avocate de la défense (la fascinante Annie Mercier qui a des allures de Simone Signoret à la toute fin de sa carrière).
La radieuse Chiara Mastroïanni, la fille de Deneuve et du sublime Marcello, joue une mère stoïque au sein de cette intrigue toute en nuances d’après des faits vécus. C’est le jeu brillant de tous les acteurs et actrices qui font reluire cette oeuvre cinématographique où pas un seul temps mort ne ponctue le propos judiciaire, un vaste commentaire sur l’apparence et la culpabilité avérée hors de tout doute à ne clamer toujours qu’avec la prudence qu’on hésite, hélas trop souvent, à adopter.
Un autre très beau film ayant fait sensation soit Camille de Boris Lojkine raconte l’histoire d’une photo-journaliste ayant perdu la vie en République centrafricaine au coeur de la guerre civile qui y fait rage entre musulmans et chrétiens. Pour ceux qui veulent voir ces débats meurtriers et les images peu touristiques d’un pays déchiré au sein d’une Afrique bientôt surpeuplée d’indigents irréconciliables, c’est un périple essentiel faisant réfléchir ou songer à une résolution inébranlable pour nous qui voulons consentir au geste humanitaire: si quiconque parvenait à nos portes, parmi ces citoyens déshérités de la Terre, après le périlleux parcours de cette courageuse quête de liberté et de droits humains, cette personne ne mériterait que nos bras ouverts et une hospitalité sans faille puisqu’il est trop tard pour réparer les dommages irréversibles de la colonisation européenne et ses ineffables corruptions mises pourtant en évidence dans leurs grandes lignes par le très beau livre d’Antoine Glaser intitulé AfricaFrance (Fayard, 2014, 227 pages).
Ce film biographique animé par l’actrice Nina Meurisse dans le rôle de Camille met en évidence la fascination d’une jeune photographe à avoir voulu tenter de livrer en images-choc la réalité assassine de ces furieuses vengeances que les armes distribuées à la légère dans ce continent (comme dans tous les autres!) permettent sans raison. L’existence pour ces Centrafricains est une permanente guerre civile.