Une ouverture de saison tendancieuse pour la Tohu avec son Tabarnak, qui a sans doute semé son lot de curiosité et de bravade durant la période de promotion. Si le Cirque Alphonse, fier protagoniste du projet, nous avait quelque peu laissé sur notre faim avec Barbu en 2014, beaucoup de chemin a été parcouru depuis : vision, orchestration, numéros… Le résultat est un spectacle abouti, par lequel on se laisse embarquer. Pas question de blasphème ici, mais bien d’un hommage populaire et historique à une rébellion contre le sacré, entre dilemme et rassemblement, respect et farce.
Pas question pour le Cirque Alphonse de tout remettre en question : ce qui a fait leur marque de fabrique demeure. Oui, les poils et l’aisance physique même dans le plus simple appareil, mais surtout, ce je-m’en-foutisme, à la limite de l’irrévérencieux qui combiné à une bonne dose d’humour, séduit. Cette idée de monter un spectacle de cirque, tel une messe ! Il faut croire que la troupe était inspirée, car la proposition se tient du début à la fin.
Jamais l’on ne perd de vue, l’éternel questionnement face à la religion, catholique la plupart du temps. Le sacré confère à certains numéros une majesté sans pareil : tous les numéros dans les airs ou dans les hauteurs, prennent une tout autre dimension, lorsque l’on parvient à les associer aux images bibliques. Mais nul besoin d’être érudit en la matière pour les apprécier. D’autres références plus accessibles, sont détournées. C’est d’ailleurs dans cet exercice que la force du groupe ressort le plus : une maîtrise de l’humour, de l’absurde, de l’ironie parfois, en peu de mots et toujours savamment placé.
Alternant humour et contemplation, le spectacle ajoute une corde de plus à son arc déjà bien tendu : la musique. C’est une tendance qui s’était déjà remarquée avec Les 7 Doigts ou le Cirque Éloize, mais qui est à présent maitrisée par le Cirque Alphonse. La musique devient une artiste à part entière et contribue largement au succès des numéros et à l’immersion du spectateur. D’autant que les musiciens se prêtent aussi au jeu. Percussions, fouet (!!!), tapements de pieds, on ne parle plus d’accompagnement à ce niveau ! Et contrairement à ce que pourrait laisser penser le thème, il ne s’agit pas de musique sacrée. Appelons-la profane s’il en est ; reste que le décalage entre elle et l’inspiration de base fonctionne.
Parmi les artistes circassiens, chacune et chacun possède une large palette de compétences : chant, équilibre, danse, acrobaties… Mais la présence des « hommes forts », qui garantissent à la fois la beauté et la sécurité des numéros, demeurent une valeur ajoutée. Mis en évidence et conférant un style un peu vintage aux créations, ils sont de tous les numéros et contribuent largement à faire briller leurs acolytes.
Force, humour, décalage, polyvalence… ajoutez à cela une complicité avec le public qui s’instaure très naturellement, pas de doute, il va y avoir du monde à la messe !
Crédit photo : Chantal Lévesque
Durée du spectacle : 1h20 sans entracte.
Tabarnak est présenté à la Tohu jusqu’au 12 octobre.