Le spectacle Rapture de Dave St-Pierre et un collectif d’artistes en danse contemporaine ne vous laissera pas indifférent. Cet hommage aux victimes du sida présenté par Fierté Montréal se veut aussi un miroir de la diversité des corps qui ne correspondent pas aux critères habituels du monde de la danse. Plus encore, Rapture aborde le thème de la transidentité et de la transphobie à travers des scènes très dures !
Alors que la 24e Conférence internationale sur le sida se déroule à Montréal du 29 juillet au 2 août, Fierté Montréal avait suggéré à Dave St-Pierre et son équipe de construire leur spectacle en s’inspirant de Angels in America. Cette pièce de théâtre de l’écrivain américain Tony Kushner, créée au début des années 1990 et ensuite adaptée en minisérie, parle des ravages du sida aux États-Unis dans les années 1980.
St-Pierre s’est aussi inspiré de la récente minisérie britannique It’s a sin, créée par Russel T Davies et diffusée à compter de janvier 2021. On y suit des jeunes qui s’installent à Londres au début des années 1980 et dont la vie est bouleversée par l’épidémie de VIH. Cela dit, de toute évidence, le collectif ne s’est pas limité au seul sujet du sida.
La pièce s’ouvre avec le ventru et barbu Vincent Reid qui fait trembler la scène en marquant le rythme du pied. Colère ? Détermination ? Il semble nous dire : les personnes grosses existent et elles ont leur place sur scène ! Le colosse arbore aussi une très longue tresse qu’il ne manque pas de faire tournoyer énergiquement au-dessus de sa tête. La cadence fixée par le danseur sera bientôt amplifiée par la musique techno tonitruante de Yann Villeneuve. Voilà une entrée en matière qui sort de l’ordinaire ! Percutant !
Puis, ce qui semble être le sujet principal du spectacle prend forme avec l’arrivée de la danseuse trans Mélusine Bonillo.
Celle-ci apparaît d’abord comme une star hollywoodienne en robe à paillettes, mais tout tourne au cauchemar pour elle.
Après une longue scène où elle est assaillie par un homme, elle se retrouve nue et maculée d’un liquide rouge sang. Était-ce bien nécessaire d’aller jusque là pour souligner ainsi la violence à gros traits ?
Quelques minutes plus tard, couchée sur un lit d’hôpital, la victime est aux prises avec une femme qui semble vouloir l’enterrer vivante !
L’agresseure déchire énergiquement un sac de terre qu’elle répand frénétiquement sur le corps de la malade. Comme si ce n’était pas suffisant, elle répète l’expérience avec un deuxième sac ! Cela est suivi d’une scène d’une disgrâce que je vous épargne.
Ce sont là les faits saillants de ce spectacle d’environ 80 minutes, entrecoupé de retours à la réalité. En effet, les interprètes préparent devant nous la séquence qui suivra en plaçant divers éléments du décor, en apportant des accessoires, etc.
Plusieurs scènes traînent en longueur. Globalement, le rythme est lent.
Au bout du compte, «Rapture» et sa dizaine d’interprètes laissent perplexe.
Oui, l’audacieux Dave St-Pierre a souvent marqué notre imaginaire avec ses chorégraphies, qu’il s’agisse de La Pornographie des âmes (2004), Un peu de tendresse bordel de merde ! (2006), etc. Mais qu’en est-il cette fois-ci, alors qu’il a pris part à un élan créatif collectif ?
Certes, on doit continuer de dénoncer la violence sous toutes ses formes, mais, parvient-on à cet objectif en s’y prenant de manière aussi rude ? Et puis, qu’est-ce qu’on apprend dans Rapture ? En quoi ce spectacle vient-il éclairer les plus jeunes qui n’ont pas connu les années noires du sida ?
Au-delà de ces questions, Rapture a le mérite de faire monter sur scène des êtres marginalisés, dans lesquels peuvent se reconnaître des spectateurs souvent ostracisés à cause de leurs propres différences. Enfin, malgré le tumulte, Rapture débouche sur un moment d’apaisement avec l’apparition d’un ange, incarné par un danseur. S’agit-il de l’homme que Mélusine ne pouvait pas être, ou plutôt de l’homme que d’autres auraient voulu qu’elle soit ?
Rapture
Concept artistique et guide chorégraphique: Dave St-Pierre
Interprètes-créateurs.trices : Stacey Désilier, Nicholas Bellefleur, Tony Bougiouris, Miranda Chan, Lael Stellick, Rony Joaquin Figueroa (Kuntiana), Emilio Brown, Vincent Reid, José Dupuis et Mélusine Bonillo
Présenté au Monastère (1439 Rue Sainte-Catherine Ouest, Montréal)
Jusqu’au 6 août
Photo fournie par Fierté Montréal