Au Café de la danse, jeudi soir à Paris, l’enthousiasme de la salle de 250 personnes, si pleine à craquer qu’on devait jouer des coudes pour se faire une place sur les banquettes, ne laissait planer aucun doute sur l’attrait qu’exerce La Morissette auprès des Français.ses.
Si bien que lorsqu’elle se faisait attendre après une première partie livrée sans faille par Virgile Carlsson, style boite à chanson, guitare sèche à la main et tabouret évidemment, le public s’est mis à la réclamer comme on le fait pour nos artistes chouchou.
Un éclair orange
Celle pour qui les Janis Joplin et Diane Dufresne ont été une inspiration est apparue, plus grande que nature, comme un éclair orange vif, un feu dansant, une étincelle rafraîchissante avec cette tignasse de flamme, s’épivardant sur quelques strophes de J’irai où tu iras, certes de Jean-Jacques Goldman, mais surtout que Céline Dion a popularisé.
Tandis qu’on croyait que le spectacle était commencé, d’un geste de la main, Geneviève Morissette signale à ses quatre habiles musiciens de s’arrêter comme elle le fera à plusieurs reprises pour laisser cours à son humour grinçant, de l’auto-dérision, en prime.
« Vous aimez les chansons de Céline Dion? … Ouais, » de répondre la foule. « J’en ferai pas », s’esclaffera-t-elle de rire! Ainsi le ton est donné aux 90 minutes qui suivront. Si la France et le monde francophone ont connu la ferveur d’un Monsieur 100 000 volts au siècle dernier, La Morissette, elle, est propulsée par la puissance hydroélectrique, elle est Madame 100 mégawatts.
Sur scène, elle est athlétique, déplace beaucoup d’air, prend possession de l’espace, danse, fait des squats et des fentes, leggings brillants collés au corps, veste courte de plumes violettes, juchée sur ses hauts talons. Il ne faudrait pas se surprendre de cette énergie débordante car elle reprend ainsi l’ambition de la petite fille de 8 ans qu’elle était et qui rêvait de devenir cascadeuse.
La complicité de l’univers
Chose certaine, cette native de Chicoutimi s’affirme haut et fort, ne maquille nullement son accent ni ses travers. En fait, sa thématique en chanson et au récit repose tantôt sur les écarts culturels entre le Québec et la France, sur les contradictions de la nature humaine et sur la différence entre l’imagination et la réalité dont elle se moque abondamment. Parmi les sujets parfois dérangeants qu’elle assume totalement sous l’angle de l’humour, il y a les Québécoises qui portent les culottes et qui draguent, les hommes français qui trompent leurs femmes, la recette pour les couples qui veulent enfin divorcer, comment on peut ressembler à Brigitte Bardot … aujourd’hui!
Entre deux chansons, elle cite le réalisateur Pierre Falardeau : « On va toujours trop loin pour ceux qui ne vont nulle part! » Elle qui n’a pas les deux pieds dans la même bottine, réalise en France un rêve auquel elle n’a même pas aspiré. Mais l’appel s’est fait si naturellement que l’univers entier s’est rendu complice d’un projet de vie qui commençait en 2015 à Paris suite à de banales vacances de deux semaines. Nos cousins l’ont si vite adoptée qu’on l’a rarement revue au Québec, elle qui avait pourtant remporté quatre prix au Festival international de la chanson de Granby, en 2012.
Les albums
Ainsi en septembre 2015, la rockeuse endiablée a lancé Me V’là son premier album peaufiné par Antoine Gratton aux Trois Beaudets d’abord mais aussi au Lion d’or à Montréal et au Petit Champlain à Québec. À l’époque, étonnamment elle semble sage comme une image. Mais de fil en aiguille, Geneviève se découvrira pour devenir La Morissette.
Avec Je me barre en 2022, spectacle et album éponyme créés pendant le confinement avec Virgile Carlsson et avec qui elle fera un duo en spectacle, elle explose au Café de la danse, scène qu’elle fréquente depuis ses débuts. Avec sa voix puissante, ses compositions, son jeu de piano et de guitare rose, l’interprète ne fait pas que séduire de son immense de talent, elle interagit habilement avec le public prenant pour cible quelques spectateurs qui joueront le jeu allègrement.
Une fière ambassadrice du Québec
Si de la part des Français, elle a eu beaucoup d’attente comme elle le raconte dans Pour moi la France, il semble que le seul qui ne l’ait pas déçue est le célèbre animateur Michel Drucker pour qui elle a composé une chanson éponyme qu’elle est d’ailleurs allée lui chanter à son émission. Mais soyons francs, au-delà de la joie indéniable qu’elle procure, son authenticité, sa candeur, son excentricité sont un formidable passeport du Québec auprès de la France.
Bien qu’elle fasse l’objet de comparaisons avec d’autres célèbres artistes de la scène, La Morissette est unique et ne ressemble à personne d’autre qu’à elle-même. Attachante et audacieuse, on espère aussi la revoir un jour au Québec.
La Morissette était accompagnée par Virgile Carlsson à la batterie, Hugo Marcus à la guitare, Alexandre Montpart à la basse et Jay B au clavier.
Quelques-uns de ses titres
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- Tombé su’l’cœur
- Comme dans un film
- Me v’là
- Gueuler ma vie ou Ça veut pu
- Crise de nerfs
- M’acheter un jet
- La femme en beige
- Paris
- Michel Drucker
- Je me barre
- Pour moi la France
- Exploser