Répondons d’abord à votre première question qui est sans doute : comment est la chanteuse dans le rôle titre de Lucia di Lammermoor, à l’affiche, cette semaine à l’Opéra de Montréal ? La soprano d’origine coréenne Kathleen Kim est à la hauteur des attentes. Sa voix est belle, juste et souple, mais on la souhaiterait parfois plus puissante. Plutôt bonne comédienne, elle est somme toute convaincante dans son rôle d’amoureuse déchirée, mais il est clair qu’on a déjà vu des Lucia plus exubérantes, notamment, dans la «scène de la folie». L’émotion passe, mais elle est circonscrite dans une certaine réserve, autant en ce qui a trait au jeu théâtral qu’à la puissance vocale.
Pour ce qui est du ténor québécois Frédéric Antoun, maintenant très en demande à l’étranger, il est vrai qu’il a pris beaucoup d’assurance, ces dernières années. Voix puissante. Beau timbre. Il joue bien son personnage torturé de voir son amoureuse en épouser un autre. Cependant, l’air tant attendu d’Edgardo, au dernier acte, nous a semblé laborieux. Il est vrai que cet air arrive à un moment ingrat, après une gamme d’émotions extrêmes et qu’en plus, le ténor doit chanter de nombreuses mesures, pratiquement a cappella. Parions que, le stress de la première étant maintenant passé, notre ténor sera plus à l’aise dans cette grande page musicale, au cours des prochaines représentations.
Fortes présences sur scène
Parmi les autres chanteurs, mention spéciale au puissant baryton canadien Gregory Dahl (Enrico). Très forte présence sur scène ! Souhaitons qu’on réinvite également la basse moldave Oleg Tsibulko impeccable en Raimondo. Quant au ténor coréen Mario Bahg, qui joue le mari imposé à Lucia, il a soulevé à juste titre des salves d’applaudissement avec sa voix superbe et son aisance sur scène. On doit d’ailleurs à plusieurs de ces chanteurs, l’un des plus beaux moments de la soirée, soit le célèbre sextuor Chi mi frena in tal momento?
Le choeur et l’orchestre
Le Choeur de l’Opéra de Montréal, préparé par Claude Webster, apporte des moments de grande beauté qui s’avèrent parfois apaisants durant cette histoire terrifiante qui s’étend sur trois heures, incluant deux entractes. Du côté de l’Orchestre métropolitain, tout n’était sans doute pas encore en place en ce soir de première. Malgré des attaques imprécises, on sent que le chef invité Fabrizio Ventura, qui oeuvre à l’Opéra d’État d’Istambul, est très à l’aise face à la partition qu’il dirige. Parions que l’orchestre sera meilleur encore, au cours des prochaines représentations.
Décors et mise en scène
Pour ce qui est de la mise en scène de Michael Cavanagh, elle est, en général, très prévisible mais, au moins, elle ne nuit pas à l’histoire. Quant aux décors conçus par Robert R. O’Hearn pour le Florida Grand Opera, ils sont ternes, mis à part les grandes fenêtres éclairées de la scène du château à l’acte II.
Malgré ces réserves, nous avons là une belle occasion de voir ou revoir cet opéra considéré comme le chef-d’œuvre tragique de Donizetti.
Lucia di Lammermoor
Opéra en trois actes de Gaetano Donizetti
En italien avec surtitres en français et en anglais.
Avec : la soprano Kathleen Kim en Lucia et le ténor québécois Frédéric Antoun dans le rôle d’Edgardo, ainsi que le baryton Gregory Dahl (Enrico), la basse Oleg Tsibulko (Raimondo), le ténor Mario Bahg (Arturo) et le baryton-basse Rocco Rupolo (Normanno). La mezzo-soprano Florence Bourget, artiste en résidence de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal, complète la distribution dans le rôle d’Alisa.
Mise en scène : Michael Cavanagh
Orchestre métropolitain, dirigé par le chef italien Fabrizio Ventura
Chœur de l’Opéra de Montréal (préparé par Claude Webster)
À la Salle Wilfrid-Pelletier
Présenté en première le 9 novembre
Autre représentation : 12, et 14 novembre à 19h 30 et 17 novembre à 14h