Dans la pénombre de la salle mythique MTelus (jadis Métropolis) à Montréal après une session DJ très efficace, Buddy, le premier rappeur américain de la soirée a fait son entrée devant une salle mi-pleine de jeunes 18-30 ans, surtout masculine, debout canettes de bière à la main. Ils se sont mis à scander les textes de l’artiste, et à sautiller, bras droit levé. La même scène s’est reproduite avec le corpulent Chuck Strangers.
Pas de musiciens en vue, qu’un ordinateur géré par le DJ. Pas de décor à moins que ces boites lugubres et sombres en aient été un. Puis des éclairages minimalistes. Il s’agissait de mon initiation à cet univers de rappeurs où les participants dans la salle sont aussi intrigants que les élus sur scène.
Pendant les deux heures qui ont précédé l’arrivée de la vedette Joey Bada$$, on sentait cette foule qui grandissait, impatiente. Assise dans le pit des photographes, je voyais les yeux écarquillés de ces jeunes, rivés sur la scène … pourtant vide. Puis, les hommes de la sécurité débouchaient des bouteilles d’eau et versaient le contenu dans la bouche ouverte de ceux qui avaient soif dans la foule. Une scène épique!!!
Finalement à 22h07, Joey Bada$$, le monstre sacré de la soirée, grand, mince, s’est emmené, gilet pare-balles pour tout costume. Pas rassurant. Levée de foule, un grand frisson est passé sur nous. Cris et fortes émotions étaient au rendez-vous. Dès le départ, on a senti chez le New Yorkais, cette maîtrise de l’art du rap. La foule électrisée et ultra compressée, scandait les paroles des succès de l’artiste, bras levés, mains suivant le rythme. Pour la foule hypnotisée, sautillante, ce n’est certes qu’un jeu mais cette danse endiablée rappelle aussi les pouvoirs de la foule.
Le rap, ce mouvement né des années 70, est un monde en soi avec ses conventions, son slam, les interactions très serrées entre l’artiste et le public. Sa couleur. Son langage explicite. Ses incantations. Dans la salle, avec tous ces jeunes hommes aux allures de the boy next door, très apprivoisés, et quelques filles sexys qui se marient mal au thème de la soirée, on s’étonne, on se demande quel est le rôle de cette musique. On questionne cette génération qui dans le cadre du rap, est de retour dans le chacun pour soi.
Joey Bada$$ en tout cas, lui sait où il va. Il suffit de regarder l’écriture de son nom pour comprendre. À peine 23 ans, avec des succès comme Land of the free et Devastated, tirés de son dernier album ALL-AMERIKKKAN BADA$$, Bada$$ a la vie devant soi. Et à voir la frimousse de ces jeunes, il tire dans le mil.