Saxophone, percussion et orgue à tuyaux, dans un même concert, c’est plutôt rare ! Au coeur d’une rencontre inusitée réunissant ces trois instruments, on rend hommage à l’influent et mystérieux compositeur Giacinto Scelsi (1905-1988). Cet artiste secret a été récemment redécouvert grâce au documentaire Le Premier Mouvement de l’Immobile, ce qui est aussi le titre du spectacle immersif présenté un seul soir avec le Duo AIRS et l’organiste Adrian Foster.
Concert «mis en espace»
Le saxophoniste Louis-Philippe Bonin qui a fondé le Duo Airs avec le percussionniste David Therrien-Brongo s’enthousiasme à l’idée de faire découvrir à un plus large public cet énigmatique musicien et poète italien qui maîtrisait la langue de Molière et qui s’était, d’ailleurs, lié d’amitié avec Jean Cocteau. «Notre concert est mis en espace, c’est-à-dire que nous nous déplaçons dans la salle en interprétant les oeuvres au programme. Nous convions les mélomanes à un voyage, une immersion sonore, qui va durer une heure.»
Explorer le son
Même si Scelsi entretenait le mystère en vivant isolé et en ne permettant pas qu’on le photographie, sa musique s’est frayée un chemin. Plusieurs de ses oeuvres ont été enregistrées, notamment, par le pianiste russe Nikita Magalov. Son oratorio La naissance du verbe à été créé à Paris, en 1949, sous la direction du chef d’orchestre français Roger Désormière.
De nos jours, plusieurs compositeurs reconnaissent avoir été influencés par la pensée ou l’écriture de Scelsi. C’est le cas, entre autres, de la Finlandaise Kaija Saariaho, à qui l’on doit l’opéra L’amour de loin dont Robert Lepage a signé une mise en scène mémorable.
Mais qu’est ce qui caractérise la musique de Scelsi ? Voici ce qu’on peut lire dans l’édition de novembre 2021, du «Mois du film documentaire» (moisdudoc.com), au sujet du long métrage Le Premier Mouvement de l’Immobile, réalisé par Sebastiano d’Ayala Valva.
«Dans le monde musical, classique et contemporain, personne n’avait avant lui consacré autant d’énergie à la révélation du pouvoir créateur du son. L’œuvre et le message qu’il laisse derrière lui ont, certes, enrichi l’histoire de la musique contemporaine mais invitent surtout à une réflexion profonde sur les vibrations qui nous entourent, leur pouvoir physique autant que poétique…»)
Monsieur Bonin souligne que Scelsi ne se considérait pas comme un compositeur mais plutôt comme un messager des Dieux qui crée ses œuvres dans un état de transe. Le musicien ajoute que les compositions de Scelsi nécessitent un type d’orgue bien précis qui correspond exactement à celui de la cathédrale Christ Church. «Il nous fallait un orgue mécanique avec lequel on pouvait tirer des effets de quarts de tons.»
Le programme compte aussi des pièces d’autres compositeurs qui ont vécu à la même époque dont le percussionniste québécois Pierre Béluse.
Le Premier Mouvement de l’Immobile (spectacle évoquant l’œuvre du compositeur italien Giacinto Scelsi)
Cathédrale Christ Church de Montréal / 22 avril à 19h 30
Adrian Foster, orgue / Duo AIRS : Louis-Philippe Bonin, saxophone / David Therrien-Brongo, percussions
Programme:
Alvin Lucier : Sizzles (1997) pour orgue et percussion
Giacinto Scelsi : In Nomine Lucis (1974) pour orgue solo
Pierre Béluse : Espace (1988) pour percussion solo
GiacintoScelsi : Ko-tha, Tredanze di Shiva (mvt I, II) (1967)
Luciano Berio : SequenzaVIIb (1967 – 1993) pour saxophone solo
Giacinto Scelsi : Maknongan (1976) pour saxophone solo
Christina Volpini : This dewdrop world (2022) – création pour orgue, percussion et saxophone
Présenté en collaboration avec Le Vivier