Ce qui remue profondément, au-delà des 111 chefs-d’oeuvres du photographe arméno-canadien Yousuf Karsh présenté à l’occasion de cette exposition qui se prolonge jusqu’au 30 janvier 2022 au Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM), ce sont les mots. Ceux-là même que l’artiste utilise pour nous plonger dans les circonstances entourant la prise de photos de chacun des protagonistes de L’Univers de Yousuf Karsh : l’essence du sujet.
Le procédé et le tremplin
Avec ses éclairages tout en nuances, son procédé unique de gélatine argentique (je laisse au lecteur le loisir de vérifier ce dont il est question) et la notoriété de ses sujets, Karsh révèle le grain de l’émotion et du caractère de ces immortels honnis ou aimés qui ont fait l’histoire au XXe siècle.
C’est grâce à l’accueil de son oncle maternel George Nakash établi dans la ville de Sherbrooke que le jeune Yousuf s’extirpe en 1924, de son Arménie natale où un génocide non encore reconnu par les Turcs à ce jour, a eu lieu. L’oncle est photographe et devient le tremplin d’une carrière qui fera du neveu un des plus grands photographes portraitistes du siècle dernier.
Les célébrités, les bâtisseurs
Des études à Boston et surtout l’ouverture de son studio à Ottawa tout près de la colline parlementaire, lui donneront accès au plus célèbres personnalités politiques : de Fidel Castro, à Pierre Elliot Trudeau, en passant par Nelson Mandela et le couple Kennedy. Mais aussi aux grands artistes du monde littéraire, du cinéma et de la musique.
Les trois salles d’exposition au MBAM donnent lieu à une incursion dans l’histoire de ces bâtisseurs idéologiques de tout acabit. C’est l’humanité profonde dans les portraits qui ressort de cette visite unique où sont concentrés plusieurs de ses plus célèbres clichés. Humanité au sens de révélations de la personnalité à la racine de ses sujets avec leurs travers et leurs qualités imprimées à jamais dans les physionomies singulières et les postures de chacun.
Yousuf Karsh a son mot à dire pour presque tous ses personnages car il les saisit avant même d’approcher l’oeil de son viseur et de pousser sur le déclencheur.
Ainsi Joan Miro est cet être effacé et taciturne, Vladimir Nabokov est son plus inintéressant, Hemingway son plus timide, Diefenbaker est l’homme farouche, tandis que George Bernard Shaw l’aura fasciné et Pierre Elliot Trudeau n’aura pu cacher le secret dans son visage.
Mais au-delà de ces quelques noms, Churchill sans cigare, les mains de Eleanor Roosevelt et celles de Gratien Gélinas, la simplicité d’Einstein sont au programme, ainsi que Picasso, Gould, Cousteau, Jung, Ali...
Grâce à sa veuve Estrellita (Nachbar) Karsh, sa seconde épouse, la première, Solange l’ayant laissé veuf, cette magnifique exposition prend vie à Montréal.
Il ne faut pas la manquer.
Photo en accueil : Yousuf Karsh (1908-2002), Yousuf et Estrellita Karsh
dans leur maison Little Wings, Ottawa, 1967, épreuve à la gélatine argentique. © Estate of Yousuf Karsh
L’Univers de Yousuf Karsh : l’essence du sujet
Musée des Beaux arts de Montréal
22 septembre 2021 au 30 janvier 2022
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