Même si le Québec est «sur pause», le monde des affaires ne l’est pas tout à fait. ATMA Classique, l’une des deux principales compagnies de disques classiques québécoises passe aux mains de la société Ad Litteram, en ce premier avril 2020. ATMA publie, notamment, les disques de l’Orchestre métropolitain et Yannick Nézet-Séguin, ainsi que ceux des Violons du Roy. La fondatrice de cette étiquette, Johanne Goyette, demeure en poste comme directrice artistique. Qu’est ce que le nouveau patron, Guillaume Lombart, entend faire d’ATMA Classique ?
«La pandémie va révolutionner la consommation de la culture»
Malgré les chutes de ventes de disques, Lombart estime qu’on consomme de plus en plus de musique. Selon lui, la musique classique pourrait intéresser encore beaucoup plus de gens, dépendamment des façons dont on la présente. L’homme a une longue feuille de route. Il explique que dans les années 90, en France, il a travaillé aux relations publiques du projet Pavarotti & Friends, des concerts gravés sur disques et sur DVD qui ont eu du succès à l’échelle planétaire.
Au Québec, il s’est distingué, entre autres, en mettant sur pied le site de diffusion vidéo en continu Livetoune, pour promouvoir la musique des artistes québécois en ligne, en partenariat avec diverses organisations dont le Festival international de la chanson de Granby. On se souvient aussi de son implication comme producteur délégué dans le projet Douze hommes rapaillés.
«Au départ, peu de gens croyaient au succès de chansons sur des textes de Gaston Miron, mis en musique par Gilles Bélanger. Mais, avec des interprètes comme Louis-Jean Cormier, Richard Séguin, Vincent Vallières, etc., le public a embarqué. Les marchands de disque y croyaient si peu, en 2008, qu’ils n’avaient commandé que quelque copies, mais ils ont dû se raviser rapidement.» On connaît la suite. Après l’album Douze hommes rapaillés, il y a eu le volume deux, puis La Symphonie rapaillée, sans oublier de nombreux spectacles.
C’est donc dans un esprit de convergence, adapté aux réalités de 2020, que Lombart veut re-dynamiser ATMA Classique. Il mise sur l’expertise de sa sa société, Ad Litteram, qui englobe l’édition musicale, les enregistrements, les spectacles, la gérance d’artistes et la production audiovisuelle.
«YouTube est en train de révolutionner la consommation, au point où je dirais que la musique ne s’écoute plus ; elle se regarde. Les gens ne veulent plus seulement écouter, mais voir aussi les artistes à l’oeuvre. En plus, après la crise, pendant combien de temps craindra-t-on d’aller s’asseoir dans une salle avec des gens qui toussent ? Il faut se faire à l’idée : le monde culturel va changer. «La pandémie va révolutionner la consommation de la culture»
Le nouveau patron d’ATMA Classique entend donc multiplier les captations vidéo de concerts. «D’ailleurs, nous avons déjà l’équipement pour faire des captations et ainsi actualiser l’offre de la musique. Comme il s’agit de musique connue internationalement, nous pourrons produire du contenu audiovisuel diffusé ensuite sur les chaînes internationales. »
Karina Gauvin & Friends ?
Dans cet esprit, à quel type d’associations peuvent s’attendre les artistes d’ATMA Classique ? On sait, par exemple, que la soprano Karina Gauvin a déjà un important bassin d’admirateurs à l’échelle internationale; que pourrait-on lui proposer pour augmenter sa visibilité ? «Peut-être pas un Karina Gauvin & Friends, mais pourquoi pas une collaboration avec une artiste pop, par exemple, avec Florence K ? Chose certaine, il ne faut pas seulement lancer un disque, mais trouver des moyens d’augmenter sa visibilité.
20 nouveaux disques en 2020
La nouvelle direction prévoit maintenir la publication de la vingtaine de disques prévus chez ATMA Classique en 2020. «Ils ne sortiront peut-être pas tous comme disques physiques», précise Lombart. «D’ailleurs, y-aura-t-il encore des magasins de disques, après la crise ?»
De son côté, la fondatrice de l’entreprise, Johanne Goyette, estime avoir trouvé «une relève de confiance» en Guillaume Lombart. « Je pourrai ainsi me concentrer encore pour quelques années sur la réalisation des enregistrements sonores, un travail qui me passionne toujours. »
Le catalogue d’ATMA Classique compte plus de 550 titres de différents styles, allant de la musique baroque aux grandes œuvres symphoniques, ainsi que des enregistrements consacrés au répertoire contemporain. Les albums sont distribués dans 25 pays et sont présents sur toutes les plateformes numériques.