À mi-chemin entre sacré et contemporain, culture traditionnelle et rythmes modernes, le Bangarra Dance Theatre est l’une des compagnies d’arts de la scène les plus importantes d’Australie. Les rituels, les cérémonies, les connexions avec la nature, basés sur les préceptes des communautés aborigènes datant de plusieurs milliers d’années, sont des sources inépuisables de travail et d’inspirations. Un spectacle fort, visuel, qui nous questionne sur notre ouverture aux autres, la découverte de coutumes ancestrales et notre rapport avec la nature.
L’ambiance est appelée au respect et à la communion dès les premières minutes. Une représentante de la communauté autochtone de Kahnawà:ke présente les artistes et leur souhaite la bienvenue. Mais au-delà des formules de politesse, nous nous empreignons du message que cette femme véhicule : se rappeler nos origines, prendre conscience de ce qui nous entoure, et de ce que nous sommes en train de perdre. Une entrée en matière solennelle, mais nécessaire…
Nul besoin d’autres artifices après une telle introduction. Tout en recueillement, le spectacle commence et notre incursion dans ce monde entendu mais pas écouté, commence. On y suit l’incursion d’une jeune fille en territoire Brolgas (grands oiseaux d’Australie) où, entre respect et compréhension, elle apprend et se transforme au gré des envies des majestueuses créatures qui l’entourent. Cette mouvance, ces poses, ce mélange de fluidité et de raideur dans les attitudes est une caractéristique que l’on perçoit rapidement. Des postures tribales fières, à la fois élancées et proches du sol, qui confèrent la « marque de fabrique » de la troupe et qui seront tenues durant toute la prestation.
Six chorégraphies s’enchainent ainsi, mettant en évidence 17 danseuses et danseurs. Plus encore que les costumes, ce sont les maquillages qui les habitent. Tantôt agressives, tantôt majestueuses, des couleurs rouge, orange, blanche dominent. Ce sont les nuances de l’ocre, substance proche de l’argile, qui occupent une place importante dans le quotidien de la vie aborigène. Chaque tableau en est imprégné, mais c’est vraiment dans le deuxième que l’on prend conscience de son plein pouvoir.
Chaque tableau est en fait un extrait de chorégraphies anciennes de la troupe. Ce découpage est savamment orchestré, car à aucun moment, l’impression d’inachevé se fait sentir. Les chorégraphies se tiennent d’elles-mêmes, informatives et mystiques, physiques et maîtrisées. Elles laissent également une large place à des instants plus théâtraux, car après tout, nous prenons connaissance de rites ancestraux, dans lesquels les garçons deviennent des Hommes et les filles deviennent des Femmes.
La puissance de l’interprétation, les impressionnants changements de maquillage, la transformation spirituelle et physique des personnages représentés parviennent presque à nous faire oublier la mise en scène somme toute convenue. Le caractère mystique est à plusieurs reprises mis à mal par une musique électronique, qui aurait pu être un complément judicieux, mais qui demeure une source de décrochage. Certains mouvements sont tellement collés à la musique, qu’ils en deviennent prévisibles et les transitions entre les tableaux manquent d’originalité, se soldant toutes inévitablement pas des ralentis aux regards lointains, avant une disparition en coulisses.
Malgré ces faiblesses, il ressort de ce spectacle un attrait certain pour une culture invitante et séduisante. D’un point de vue artistique, on retient surtout les chorégraphies masculines qui — sans surprise — sans plus entraînantes et rythmées que celles des femmes.
D’un point de vue humain, on retient que la Nature a été, est, et doit rester au centre de notre vie, au cœur de nos préoccupations.
Photo © Jhuny-Boy Borja
Bangarra est présenté jusqu’au 2 novembre au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts.