Dans les années 70, Demain, Montréal m’attend, dépeint les espoirs d’une jeune fille dont le rêve est de mener une carrière de chanteuse au côté de sa sœur, dans la grande Ville. Les deux sœurs, interprétées par Hélène Bourgeois-Leclerc et Marie-Andrée Lemieux, mènent le spectacle d’une main de fer et d’une voix de velours, mais c’est auprès des personnages secondaires, que les nuances et les émotions sont les plus authentiques.
Dans les années 70, Lola Lee (Hélène Bourgeois-Leclerc), « wannabe » chanteuse de cabaret à Montréal qui oscille entre succès précaires et espoirs déchus, voit un beau jour arriver sa jeune sœur Louise (Marie Andrée-Lemieux), en quête de reconnaissance immédiate et de succès planétaires. Grande gagnante d’un concours de chant amateur à la crédibilité discutable, cette dernière se voit parfaitement enchaîner les « hits » en duo avec sa célèbre sœur, alors que celle-ci aspire à poursuivre sa carrière – ô combien fragile – en solo. Afin de la décourager et d’éviter que sa propre carrière ne pâtissent des ambitions démesurées de Louise, Lola Lee entreprend de lui montrer les faces les plus obscures du monde du spectacle.
Soyons honnêtes : nous attendions tous la gouaille d’Hélène Bourgeois-Leclerc, dont l’assurance et le bagout de l’interprétation, collent parfaitement à l’univers de Michel Tremblay. Il faut dire que son personnage haut en couleurs et en caractère, ne déçoit pas ; entre amertume, jalousie et frustration artistique, la belle nous divertit, nous énerve, nous amuse et nous exaspère ! Quant à Marie-Andrée Lemieux, elle parvient à faire évoluer la naïveté et la persévérance de Louise, vers une assurance exacerbée puis vers une prétention assumée, qui la mènera dans la même routine musicale, vers le même avenir morose que sa grande sœur.
Malgré une présence sans faille des personnages principaux, il faut se tourner vers les personnages secondaires pour aller chercher les performances les plus touchantes et les plus surprenantes, bref, celles qui nous amènent à réfléchir un peu plus sur le contexte social de la pièce. Que ce soit Laurent Paquin, en travesti déprimé ou Kathleen Fortin, en tenancière de bordel désabusée, la solitude qu’entraîne leur vie marginale et leurs décisions discutables, sont autant de parenthèses, qui permettent aux spectateurs de s’investir un peu plus et de palier aux longueurs qui ont tendance à se faire sentir, passée la première moitié du spectacle.
Effectivement, l’énergie provient essentiellement des numéros de groupe, mais la recette s’essouffle rapidement, car malgré la justesse et le dynamisme des chansons, l’histoire – somme toute assez simple – n’avance pas aussi rapidement et logiquement qu’elle devrait. La fin, qui se fait donc attendre quelque peu, est une trouvaille prévisible mais tout de même efficace.
Demain, Montréal m’attend est sans conteste, un manifeste important d’un auteur que l’on ne présente plus, qui parvient encore et toujours à confronter l’émergence de nouvelles mœurs, avec les difficultés plus terre à terre d’hommes et de femmes qui tentent de vivre du mieux qu’ils peuvent, en accord avec leur dessein, dans une société en « révolution tranquille ». Nous pardonnerons donc les irrégularités de la mise en scène, pour nous concentrer sur les bijoux éphémères, précédemment cités et sur Benoit McGinnis, dont la prestation exaltée, nous confirme le talent et l’impressionnante palette de jeux du comédien.
« Demain, Montréal m’attend » est présenté jusqu’au 22 octobre au Théâtre du Nouveau Monde.
Texte MICHEL TREMBLAY
Adaptation et mise en scène RENE-RICHARD CYR
Musique FRANCOIS DOMPIERRE
Distribution GENEVIEVE ALARIE, HELENE BOURGEOIS-LECLERC, KATHLEEN FORTIN, MICHELLE LABONTE, CHRISTIAN LAPORTE, MARIE-MICHELLE LEMIEUX, BENOIT MCGINNIS, LAURENT PAQUIN, BRYAN AUDET, GENEVIEVE BEAUDET, GUILLAUME BORYS, JADE BRUNEAU, MARIE-PIERRE DE BRIENNE, JOSE DUFOUR, MYRIAM FOURNIER, GABRIEL LEMIRE
Musiciens CHRIS BARILLARO, PAUL CARTER, PETER COLANTONIO, MARIO HEBERT, FRANCOIS MARION
Durée du spectacle
1 h 45 sans entracte