C’est une salle Wilfrid-Pelletier remplie qui avait pris rendez-vous avec Farruquito à Montréal, et c’est un Farruquito envoûtant qui a répondu présent.
Le rideau se lève et des silhouettes dont les visages demeurent temporairement invisibles se devinent, tandis que les chants, la guitare et les claquements de main résonnent. Immédiatement plongé dans un foyer gitan d’Andalousie où le flamenco est plus qu’un art, mais bel et bien un lien familial, le public ne peut que se sentir privilégié. Accompagné d’un arrangement acoustique réduit à son strict minimum et d’un projecteur dessinant sa silhouette, Farruquito danse au rythme de la musique, mettant à nu l’essence du flamenco.
Ici il n’y a aucun subterfuge, uniquement du talent à revendre.
Tout au long du spectacle, la versatilité, la maîtrise technique et la passion de Farruquito offriront au public une performance impeccable. À ses côtés, Mari Vizarraga et Maria Mezcle, chantent du plus profond de leur être leurs joies et leurs souffrances. Tout comme El Chanito, qui mettra lui aussi l’audience dans l’impossibilité de ne pas avoir des frissons face à ces voix transmettant des émotions dans leur état le plus pur.
Du côté des danseurs, Barullo a la lourde responsabilité d’occuper la scène lorsque Farruquito en sortira pour la première fois, et il ne décevra pas. Son excellence technique et passionnée ne tardera pas à se faire voir et à révéler l’empreinte de Farruquito. S’il y avait encore des doutes, ceux-ci s’envoleront lorsque Barullo se saisira du bastón pour effectuer un numéro époustouflant.
El Polito, danseur et joueur du cajón, laissera lui aussi la salle à bout de souffle lors d’un numéro acrobatique, combinant originalité, musicalité et technique, exécuté à la perfection.
Et que dire de Gemma Monea. Seule bailaora présente, son entrée en scène sera saluée par de retentissants applaudissements et le seul mouvement de sa main saisissant la traine de sa robe pour la placer sur sa hanche, imposera le silence chez les 3000 spectateurs et spectatrices dans la salle. Tout comme pour les deux autres danseurs, une maîtrise des techniques du flamenco, un talent pour l’improvisation et une passion communicative, caractériseront la performance de la bailaora.
Quant aux musiciens, Yerai Cortés, Juan Parrilla, Melchor Borja et Lolo, respectivement à la guitare, à la flûte traversière, à la basse, au clavier et aux percussions, ils mettront tous à profit leur immense talent pour tisser à la perfection la toile sur laquelle prend vie l’histoire qui est racontée.
Les jeux de lumière, les changements de niveaux et les arrangements sonores laissant résonner ponctuellement le clavier et la basse, nous font voyager entre les racines du flamenco et le flamenco actuel. Porté d’un courant à l’autre, Farruquito demeure imperturbable et hypnotisant, illustrant la puissance et l’inaltérabilité de l’essence du flamenco.
Quoique le spectacle porte son nom, à aucun moment Farruquito ne fera de l’ombre à celles et ceux qui partagent la scène avec lui. Le tableau final du spectacle le confirmera et laissera la salle Wilfried-Pelletier debout, avide d’en voir plus de chacune des personnes sur scène.
En tout juste 90 minutes Farruquito a remporté le pari d’être à la fois danseur, chorégraphe, metteur en scène, musicien et auteur d’une histoire que le public ne voudra cesser de lire, sans jamais prononcer lui-même un seul mot. Un chef d’œuvre.