Le Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts affichait complet hier soir pour accueillir Julien Dassin, fils du légendaire Joe Dassin, figure emblématique de la chanson française des années 70. Ce rendez-vous musical, présenté en tournée en Europe et en Amérique, se voulait un hommage vibrant à un héritage musical profondément ancré dans l’imaginaire collectif francophone.
De L’Été indien à Et si tu n’existais pas, en passant par Salut les amoureux et L’Amérique, ces chansons font partie des repères affectifs de plusieurs générations. Joe Dassin, avec ses yeux clairs, sa silhouette de jeune premier et sa voix caressante, a su incarner un rêve un peu fou : celui d’un Américain chantant la France avec un naturel désarmant. Son décès soudain en 1980 à Tahiti, en présence de son parolier fétiche Claude Lemesle, a laissé un vide que ses chansons continuent de combler. Ironie du destin, la même année naissait son fils Julien, qui aujourd’hui tente de raviver cette flamme à sa manière.
Sur scène, Julien Dassin, 45 ans, porte naturellement les traits de son père. Entouré de quatre musiciens et d’une choriste, il entame la soirée avec un brin de nervosité, mais prend rapidement ses aises dans une ambiance conviviale rappelant les émissions de variétés d’antan, à la Années bonheur. Le public, conquis d’avance, se prête volontiers au jeu du « sing-along », chantant et dansant sur les refrains familiers.Le décor est sobre, l’éclairage feutré. Un grand écran projette tour à tour des images de 45-tours, des extraits vidéo et des photos des deux Dassin – père et fils – qui ne se sont jamais connus. Si l’intention est touchante, certaines séquences visuelles manquent toutefois de cohérence avec l’atmosphère des chansons, créant parfois un léger décalage.
Un moment fort du spectacle demeure l’évocation de Jules Dassin, cinéaste renommé et grand-père de Julien, ainsi que de son épouse, la comédienne et chanteuse grecque Melina Mercouri. Julien y interprète avec émotion Les Enfants du Pirée, adaptation française de Ta pedia tou Pirea, chanson immortalisée dans le film Never on Sunday réalisé par Jules Dassin. Ce clin d’œil intergénérationnel ajoute une belle profondeur à la soirée.
Autre moment fort et bien reçu par le public québécois : l’interprétation de Dans les yeux d’Émilie. Dès le vers « On s’est connus au Québec », l’assistance qui connaït toutes les chansons réagit avec émotion. Ce morceau, avec ses images de neige, de poêle à bois et de tendresse nordique, est sans doute l’un des plus évocateurs pour le Québec. Puis, il y eu ce duo virtuel avec son père sur Et si tu n’existait pas. L’idée était émouvante : le fils chantant à son père, grâce à des images d’archives projetées en grand écran. Si la synchronisation des lèvres de Joe Dassin avec la chanson n’était pas tout à fait au point, l’intention restait touchante et a su émouvoir le public malgré cette petite imperfection.
On aurait d’ailleurs souhaité que Julien nous parle davantage de son père. Le spectacle, volontairement peu narratif, reste assez avare en confidences personnelles. Si l’on ressent l’affection et la fierté du fils, le portrait de Joe Dassin reste en filigrane, presque discret. L’improvisation, bien que chaleureuse, semble parfois combler un vide là où un propos plus construit aurait apporté du relief.
Cela dit, l’intention demeure noble : Julien Dassin ne prétend pas égaler son père, mais plutôt en perpétuer la mémoire avec simplicité et sincérité. Ce spectacle touche surtout ceux et celles pour qui ces chansons représentent bien plus qu’un répertoire – elles sont des fragments de vie.
Julien Dassin est en chemin. Peut-être ce spectacle gagnerait-il à évoluer, à s’enrichir d’un récit plus personnel, d’un dialogue plus intime avec l’héritage qu’il porte. Mais ce premier pas, même maladroit par moments, est aussi une preuve d’amour – et c’est déjà beaucoup.
Crédit : Ilya