Bienvenue au premier Paniccon de Montréal ! Venez à la rencontre des super-héros du réel ! Armés de leurs costumes techno-chic, mais surtout de leur incroyable sixième sens, ils vous préparent à vivre dans une société traumatisée…
À la manière de ces justiciers des temps modernes que l’on voie officier dans la rue pour défendre et protéger – aux États-Unis notamment – tous les artistes sur scène donnent vie à un super-héros. Si chacun à ses caractéristiques, tous ont pourtant un point commun : leur sixième sens. Souvent acquise, rarement innée, cette mutation, telle que décrite, donne aux personnes qui l’ont développée, la capacité à se méfier de tout, à flairer le danger, à esquiver… à fuir.
Avant même que le public n’entre en salle, le voilà plongé dans l’univers de la paranoïa. Sous prétexte d’assister depuis les coulisses au premier Paniccon de Montréal, nous sommes interrogés, fouillés, observés. L’objectif ? Éviter l’attentat, la catastrophe. Car tous les participants à l’évènement que nous allons découvrir sont en fait en état de stress post-traumatique. Quel que soit le drame qui les a fauchés, ils ont perdu confiance en l’humain, en la société… Alors, ils essaient de décupler la confiance en eux-mêmes.
Grâce à leur sixième sens, ils anticipent toute action malveillante. Sous leurs costumes de latex, ils se sentent plus puissants, en contrôle. Il y a quelque chose de saisissant dans cette puissance qu’ils essaient de maîtriser, dans leur incertitude face à l’avenir et bien sûr, dans le format « comiccon » donné à la soirée. Alors que chacun et chacune tente de montrer que ce qui ne tue pas rend plus fort, nous sommes baladés entre réglages techniques et cues d’entrée. Nous, public, sommes dans les coulisses de ce fameux salon, partagés entre la bonne humeur et la motivation de façade, et l’inquiétude que ces super-héros échappent malgré eux.
Ces hommes et ces femmes veulent aller au-delà du traumatisme, mais les artifices, les poupées à leur effigie, les paillettes, n’y changent rien. Telle l’épée de Damoclès – et loin d’être un atout – leur sixième sens les condamne. À ne jamais pouvoir vivre en paix, à ne jamais pouvoir apprécier la vie, à toujours craindre…
Sans contredit, Le Sixième sens puise dans l’originalité pour faire valoir son point : nous avons peur de rien, de tout. Dans les dernières années, ici et ailleurs, de nombreux évènements ont eu lieu, nous amenant à penser que non, ça n’arrive pas toujours qu’aux autres. Par conséquent, nous sommes plus souvent en alerte, dans un état de méfiance perpétuelle. Cette constatation amène à se questionner sur ces personnes en état de stress post-traumatique : sont-elles écoutées ? Sont-elles seules avec leurs démons ? Sont-elles nombreuses à cacher leur souffrance derrière un masque ?
Si le début de l’expérience connait quelques ratés de démarrage, au niveau du rythme notamment, le propos fait sa marque. Les apparentes festivités du Paniccon s’opposent au doute des personnages, quant à son aspect plus ou moins thérapeutique. Le traumatisme ne disparait pas, il se met en veille tout simplement. Entre musique, effets sonores et visuels et petites astuces techniques, le spectacle finit par prendre son envol. Par l’énumération des lieux touchés par des attaques, la dernière partie frappe au cœur. Avec la fin du Paniccon, vient la fin de la pièce qui aurait peut-être gagné à être resserrée. Mais les faux départs des super-héros amplifient encore l’illusion de leurs actions. Par leur désarroi et leur tristesse, on comprend alors qu’on ne peut empêcher, on ne peut que survivre.
Crédit photo : Josué Bertolino
Le Sixième sens est présenté à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier, jusqu’au 8 février.
Durée du spectacle : 1h30 sans entracte