Au tour de Montréal de pouvoir découvrir Les lucioles, créée par la chorale bruitiste Joker au Festival International de Musique actuelle de Victoriaville, l’an dernier. Cette oeuvre-collage composée et dirigée par Joane Hétu, Jean Derome et Danielle Pallardy Roger est inspirée de la lumière éphémère que produisent les mouches à feu, comme symbole de l’évanescence de la vie. En entrevue, Joane Hétu nous parle, entre autres, de sa façon de diriger avec une gestuelle très personnelle empruntée tant au «soundpainting».
«Je me vois moi-même un peu comme une luciole», confie la compositrice et cheffe Joane Hétu. «Je ne suis pas toujours allumée, mais il y a des moments où j’apporte ma lumière dans la musique, par exemple. Inspirée de textes de Dante et de Pasolini évoquant les lucioles, la musicienne a conçu, avec Jean Derome et Danielle Pallardy Roger, une partition d’environ 70 minutes, où alternent des tableaux lumineux et d’autres plus obscurs.
«En effet, il faut que la nuit tombe pour qu’on puisse voir la lumière des mouches à feu. Ces contrastes s’expriment dans la musique. Je dois donc indiquer par mes gestes l’ambiance sonore recherchée pour guider les chanteurs qui n’ont pas de partition durant le concert.» Précisons que Joker, fondée par Joane Hétu, en 2012, n’est pas une chorale traditionnelle. Ce choeur inusité explore «la poésie phonique et les sons extra-musicaux comme le souffle, le babillage, les bruits de bouche.»
Passer du rôle de chef à celui d’interprète
Johane Hétu s’est familiarisée avec le «soundpainting», un langage gestuel de création artistique élaboré par l’Américain Walter Thompson. «J’ai également développé ma propre gestuelle car Les lucioles, c’est aussi de la danse, des bruits et une certaine théâtralité. Il faut des gestes précis pour obtenir l’effet recherché.» Plus encore, au moment ou chacun des chefs cède sa place à un autre, il se joint à la chorale et devient interprète. «Ce passage rapide du rôle de chef à celui d’interprète, c’est une pratique qu’on voit rarement dans le domaine de la musique et c’est franchement intense !»
Joker
Fondée et dirigée par Joane Hétu depuis 2012, Joker est une chorale a cappella inusitée pour douze à vingt chanteurs-solistes. La chorale Joker explore les qualités de la texture et du timbre vocal, les paysages sonores, les motifs rythmiques, la poésie phonique et les sons extramusicaux comme le souffle, le babillage, les bruits de bouche. Joker s’intéresse aux sons marginaux, aux défaillances vocales, aux territoires périphériques, aux interstices entre les tons afin d’accéder à un chant choral, non pas par le biais du répertoire, mais par celui d’une langue à inventer.
Les Lucioles
Oeuvre-collage composée et dirigée par Joane Hétu, Jean Derome et Danielle Pallardy Roger
Amphithéâtre du Gesù
5 mars
Photo : courtoisie