La comédie dramatique Ligne de fuite, coproduite par Cinémaginaire et Les films du lac, arrive dans nos salles de cinéma dès le 6 juillet prochain. Ce film se veut un portrait sans concession des trentenaires du Québec d’aujourd’hui. Lignes de fuite est réalisée par Catherine Chabot et Miryam Bouchard, tandis que le scénario est signé par Catherine Chabot et Émile Gaudreault et s’inspire librement de la pièce de théâtre éponyme, écrite et jouée par Catherine Chabot en 2019. On y retrouve une distribution du tonnerre avec entre autres Mariana Mazza, Catherine Chabot, Léane Labrèche-Dor, Victoria Diamond, Mickaël Gouin et Maxime de Cotret.
Mes entrevues avec les artisans du film et les dessous du tournage lors de leur venue à Québec pour l’avant-première du film présenté au Cinéma le Clap Ste-Foy, sont disponibles via ce lien : https://lesartsze.com/entrevue-avec-les-artisans-du-film-ligne-de-fuite/
Synopsis : Une comédie dramatique qui nous convie à des retrouvailles mouvementées entre trois amies du secondaire. Après un début de soirée festif et bien arrosé le trio de trentenaires se délie : les vieilles tensions rejaillissent, les discussions s’enveniment et les révélations se succèdent – le tout forme un cocktail de plus en plus explosif qui mettra leur amitié à rude épreuve. Les meilleures amies d’hier pourront-elles l’être encore aujourd’hui?
Ceux qui ont vu et aimé la pièce de théâtre du même nom en 2019, présenté à Montréal, se doivent d’aller voir le film Ligne de fuite au cinéma. Bien que ce soit inspiré de la pièce, le film sort du huis clos et permet au public de découvrir plus en profondeur chacun des personnages avant leur rencontre au condo. On a accès à leur intimité, à leurs failles, leur intériorité et leur dynamique de couple, avant les retrouvailles, si bien qu’on a l’impression de bien les connaître lorsque les discussions et confrontations surviennent.
Ce film débute comme une comédie, à la manière du film le Déclin de l’empire américain, mais pour les trentenaires. Les similitudes sont assez flagrantes et intéressantes. C’est un film très verbeux où les discussions de sujets polarisés sont à l’honneur, avec une bonne dose de références à la sexualité. Également, on a, dès le départ, un aperçu de l’étendue du talent de jeu de Léane Labrèche-Dor, lorsqu’elle monologue presque sur la théorie du castor (très intéressant). On voit un à un les personnages se préparer pour les fameuses retrouvailles et on voit les personnages discuter différemment entre hommes et entre femmes, que lorsqu’ils sont tous réunis à jaser ensemble. La ressemblance au Déclin s’arrête là.
Bien que ce film semble être au départ une belle comédie, tout en humour, le côté dramatique embarque peu à peu et les confrontations font s’enflammer les personnages au point où le malaise est omniprésent. Par moment, on a l’impression d’assister à des répliques que l’on retrouve sur les réseaux sociaux, où personne ne se censure et tout le monde y va «all-in» dans leurs frustrations, leurs constats de la société, tels qu’ils les perçoivent et leur jugement de la vie des leurs amis.
Le texte est riche avec des thèmes de discussion tellement variés et des sujets tellement polarisants que ce soit l’environnement, la politique, l’avenir, avoir des enfants ou non, la fidélité versus les couples ouverts, les riches versus les pauvres, les anglophones, les gais, le sort de la planète. WOW! On a envie de revoir le film une deuxième fois, car on a l’impression de ne pas être capable de tout absorber en une seule fois. Mais ce film est un réel portrait de société tel que vu par la génération des trentenaires (du moins de l’autrice trentenaire) et tous les questionnements des gens de cette génération et probablement les suivantes. C’est un regard pessimiste certain diront, ou réalistes, d’autres penseront. Mais assurément ces questionnements font réfléchir. Ils m’ont fait réfléchir et le film est resté imprégné en moi pendant longtemps par après.
Le film ne serait pas aussi percutant sans la distribution formidable et la réalisation impeccable de Catherine et Miryam. Mon gros coup de cœur va à Léane Labrèche-Dor qui m’a totalement ébloui dans le rôle qu’elle défend avec vigueur, tout en sachant y ajouter une belle touche de vulnérabilité. Mickaël Gouin, qui incarne son conjoint est également hallucinant dans sa transformation pour ce rôle. Lui, que l’on connaît comme toujours souriant et joyeux, nous donne un Paul-Émile pessimiste, blasé, baveux et complètement haïssable, que l’on ne peut pas s’empêcher de regarder même lorsqu’il n’est pas le celui qui parle, car sa gestuelle, sa posture, ses mimiques reflètent en tout temps ses propos et on n’en revient pas de sa si mauvaise foi.
Pour sa part, Marianna Mazza, bien qu’elle joue un personnage de femme riche, qui a du succès, on perçoit sa vulnérabilité et sa peine d’être toujours le souffre-douleur de ses amies. À mon avis, c’est son meilleur rôle à ce jour au cinéma. Elle le défend à merveille. Victoria Diamond, dans le rôle de l’anglophone artiste, conjointe du personnage de Marianna, est également très crédible dans son personnage. Elle maitrise l’anglais à la perfection et elle semble bien amoureuse de sa copine. Lorsqu’elle pète finalement sa coche en fin de soirée, on est à la limite du fou rire, tellement les grossièretés qu’elle lance à la ronde sont énormes. Maxime de Cotret que je ne connaissais pas vraiment m’a agréablement surprise par son jeu en finesse et sa maitrise de son personnage de bon gars au grand cœur et un peu naïf. Il a réussi à respecter la fine ligne à ne pas dépasser pour ne pas juger son personnage.
Finalement, Catherine Chabot m’a complètement séduite dans son personnage angoissé, qui est à la croisée des chemins dans sa vie et n’arrive pas à assumer ses choix. Mais surtout, Catherine m’a épaté par son scénario rempli de répliques savoureuses, d’humour noir et jaune à la fois, de réflexions pertinentes et des débats enflammés. De plus, la réalisation du film m’a vraiment ébloui. Catherine Chabot et Miryam Bouchard ont trouvé des procédés ingénieux pour nous amener graduellement les moments culminants, en jouant avec les plans de caméras larges, à l’épaule et puis très serrés. Les scènes de tempête de grêlons sont hallucinantes à voir sur grand écran. Les chansons que l’on retrouve à des moments clés du film viennent très bien compléter l’ambiance du film et bien que ce soit surtout un film verbeux, le rythme de l’histoire est soutenu.
En résumé la « ligne de fuite » c’est ce qui permet aux humains de s’émanciper, de se libérer de la ligne déjà tracée pour eux, de s’affranchir d’un destin sans surprises. La rencontre de ces trois couples est un moment déterminant pour eux, alors qu’ils confrontent tour à tour leur désir de s’affranchir du chemin déjà tout tracé où ils sont déjà et la peur de l’inconnu de ce qui pourrait être leur avenir autrement.
Au cinéma partout au Québec dès le mercredi 6 juillet
DURÉE: 95 minutes
ÉQUIPE CRÉATIVE
RÉALISATRICES Catherine Chabot
Miryam Bouchard
SCÉNARISTE Catherine Chabot
SCÉNARISTE et COPRODUCTEUR Émile Gaudreault
PRODUCTRICE Denise Robert
DIRECTRICE PHOTO Stéphanie Weber-Biron
CRÉATION ARTISTIQUE Guillaume Couture
CRÉATION COSTUMES Sharon Scott
MONTAGE Arthur Tarnowski, ACE
CRÉATION SONORE Marie-Claude Gagné
SON Arnaud Derimay Louis Gignac
CASTING Lucie Robitaille
Dandy Thibaudeau
1ère ASSISTANT RÉALISATION Gabriel Teller
PRODUCTRICE DÉLÉGUÉE Sylvie Trudelle
DIRECTEUR DE PRODUCTION Simon Marcotte
DIRECTEUR DE POSTPRODUCTION Guy Langlois
d’après la pièce de théâtre Lignes de fuite de Catherine Chabot
Distribution
Catherine Chabot : Audrey
Mariana Mazza : Sabine
Léane Labrèche-Dor : Valérie
Victoria Diamond : Amber
Maxime de Cotret : Jonathan
Mickaël Gouin : Paul-Émile
Crédit photos : Shirley Noel et courtoisie des films Séville