Daniel Matte qui s’est fait connaître comme relationniste de presse d’écrivains célèbres, dont Michel Tremblay et Nancy Huston, se lance à son tour dans l’arène des écrivains avec une autofiction salace. «Mets pas trop de sexe dans ton livre» est une autobiographie impudique où l’auteur aborde sans détour sa dépendance au sexe. Le récit commence par une sorte de dénonciation qui prend des allures de confession. Après avoir longuement fait la promotion des livres des autres, le sexagénaire met maintenant tout en oeuvre pour qu’on découvre le sien.
Sortir de l’ombre
«Il faut être prétentieux pour écrire et oser croire qu’on peut ajouter sa pierre à l’édifice qu’ont bâti les grands auteurs», lance d’entrée de jeu Daniel Matte. Pourtant, après avoir vécu dans l’ombre de stars du domaine littéraire, le sexagénaire a décidé de prendre la parole. «Vous me connaissez», renchérit le fougueux relationniste; «toute la France a d’ores et déjà reçu mon livre!»
Matte raconte sa vie tumultueuse marquée par une histoire d’amour, vécue à l’âge de 10 ans, avec un homme de 18 ans, dont il ne révèle pas le nom. Tout en réglant ses comptes avec ce gardien d’enfants abuseur qui serait toujours vivant, l’auteur assume ses paradoxes. Il admet trouver, encore aujourd’hui, un certain bien-être en se souvenant de cette relation interdite qu’il compare à «un magnifique bouquet de roses, livré à la mauvaise adresse.»
En entrevue, Matte ajoute : «C’est une façon de le dénoncer et en même temps de garder un certain contact avec lui. Je n’ai pas envie de lui nuire. Et puis, si on me donnait la possibilité d’effacer cet épisode de mon enfance, est-ce que je prendrais la brosse et que j’effacerais? J’sais pas, ça fait partie de ma vie. L’interdit était très excitant!»
Ce n’est qu’une fois arrivé à la retraite, après une vie professionnelle bien remplie, que Daniel Matte a ressenti le besoin de revenir sur son passé et de tenter de comprendre pourquoi il est accro au sexe.
Dépendance sexuelle
«Il n’y avait pas que dans les livres du Cubain Pedro Juan Gutiérrez que le sexe aidait à oublier cette vie de misère, dans un pays rationné, coupé de tout. Qu’il aidait à oublier l’absence de liberté. Qu’il aidait à s’oublier. Dans ma société capitaliste du Nord, au cœur même de mon Ahuntsic bien-aimé, le sexe anesthésiait mon mal de vivre, mon trop-plein de liberté.»
Malgré certaines redondances, plusieurs se reconnaîtront sans doute dans les déboires de cet homme libidineux et cyberdépendant:
«Chaque fois que je me branchais sur le site, caché sous le pseudonyme Boxer, Paul55 était présent parmi tous les spectres de la cyberdépendance… Il avait cinquante-cinq ans depuis cinq ans !… Quand deux cyberaccros se rencontrent, ils se reconnaissent et ne se lâchent pas. Avant, il y a bien eu CyberX, à qui j’aurais décerné le grand prix de la prose érotique…»
La dépendance au sexe peut-elle être comparée à la dépendance à l’alcool, se demande Matte, en avouant que plus de six décennies de vie ne lui ont pas permis de répondre à cette question.
«Il me restait, maintenant, à trouver un sens au désir des corps et à comprendre enfin ce besoin immense de jouissances éphémères qui me consumait comme une névrose obsessionnelle. Je savais que j’étais malade.»
Souvenirs «mis en scène»
L’auteur va parfois très loin dans les détails de ses nombreux ébats. «Oui, il y a une part de fiction dans tout cela. En fait, je raconte mes souvenirs et je les mets en scène», précise Matte, en avouant avoir été tenté à maintes reprises de jeter à la poubelle son manuscrit compromettant.
En cours de route, il a informé sa mère de cet audacieux projet de livre qui risquait de la chagriner.
La dame, aujourd’hui âgée de 93 ans, lui a alors conseillé : «Ne mets pas trop de sexe dans ton livre.»
Mais, ce fils insoumis dans l’âme n’a pas écouté celle qu’il surnomme pourtant «la femme de sa vie».
Résultat: Daniel Matte lancera, le 21 avril prochain, au soir de ses 68 ans, son tout premier livre qui se lit d’un trait, un peu comme un roman lascif et souvent cru, où le lecteur se sent parfois voyeur.
Mets pas trop de sexe dans ton livre / Daniel Matte
164 pages
*Photo d’accueil: Daniel Matte / Crédit: Alexis Belhumeur