Avocate le jour et chanteuse d’opéra le soir… voilà qui résume la double-vie de Suzanne Taffot qu’on verra dans la version concert de l’opéra Carmen, présentée par l’Orchestre classique de Montréal. Elle a chanté Puccini en Allemagne, Ravel en France et Fauré à la Maison symphonique de Montréal, etc. Son panorama musical ne s’arrête pas là puisque son fils lui a fait découvrir le rap. Portrait d’une femme au parcours inusité.
La soprano camerounaise-canadienne est plus qu’enthousiaste à l’idée de prêter sa voix à Micaëla, l’un des principaux personnages du plus célèbre opéra de Bizet. «Il y a une musicalité irrésistible dans cette oeuvre! Aussi, l’histoire est si bien connue du public qu’on peut la faire revivre intensément, même s’il s’agit d’une version concert.»
Rappelons que Micaëla, jeune villageoise, voit son rêve d’épouser Don José compromis, lorsque cet homme tombe amoureux de Carmen. S’il y a de la rivalité dans cette histoire, il n’y en a pas entre les interprètes réunis à la salle Pierre-Mercure, assure madame Taffot avec une pointe d’humour. «Je connais déjà la plupart des artistes de la distribution et je suis honorée de travailler avec eux.» Elle souligne, entre autres, être une auditrice assidue de l’émission «Tempo» sur les ondes de CBC, animée par la mezzo-soprano libano-canadienne Julie Nesrallah qui incarnera Carmen.
Aider les autres et s’aider soi-même
Suzanne Taffot s’est d’abord tournée vers le droit, car sa famille voulait qu’elle ait un «vrai métier». Au cours de ses études, elle se joint à des chorales et développe un grand intérêt pour l’art lyrique. Après avoir étudié le droit en France, elle déménage au Québec où elle intègre un cabinet d’avocats, tout en poursuivant ses études en chant classique, notamment, avec Adrienne Savoie.
Progressivement, elle en vient à mener deux carrières de front. Avocate en droit à l’immigration, elle oeuvre dans la région de Montréal, en partageant son travail avec des stagiaires, de façon à se garder du temps pour se produire sur scène ici et à l’étranger. «J’ai chanté Mimi dans La Bohème (Puccini) à Munich, à l’opéra Gärtnerplatz, en 2019.» Elle relate aussi avoir interprété le rôle de la Bergère dans L’Enfant et les Sortilèges de Ravel à l’opéra de Limoges, en 2020.
Chez nous, elle a été invitée par l’Orchestre métropolitain et Yannick Nézet-Séguin pour le Requiem de Fauré à la Maison symphonique, en 2020. «Je dirais que chanter, je le fais avant tout pour moi, pour mon équilibre personnel, alors que le droit, c’est plutôt pour aider les autres.» Madame Taffot souligne d’ailleurs que d’autres avocats sont tentés par le chant, puisqu’on a formé le Choeur du Barreau du Grand Montréal (CBGM) qui regroupe des avocats, juristes, etc.
Occupée du matin au soir, Suzanne Taffot trouve pourtant le temps d’écouter de la musique, surtout du classique, mais il y a eu récemment une exception à la règle. «Mon fils qui a 17 ans m’a fait découvrir le rappeur Kendrick Lamar au concert de la mi-temps du Super Bowl. J’ai été touchée par son rap et l’expression de tous ces sentiments enfouis.» Saluant le talent et l’audace du nouveau roi du hip-hop, la soprano ne cache pas sa préférence marquée pour l’opéra. Elle a d’ailleurs hâte de livrer l’air célèbre de Micaëla : «Je dis que rien ne m’épouvante…»
Carmen : version abrégée
L’Orchestre classique de Montréal présente une version concert de Carmen axée sur les quatre personnages principaux : Carmen, interprétée par la mezzo-soprano libano-canadienne Julie Nesrallah; Don José, incarné par le ténor mexico-canadien Ernesto Ramírez, Micaëla, interprétée par la soprano camerounaise-canadienne Suzanne Taffot et Escamillo, par le baryton québécois Hugo Laporte. La directrice artistique du Théâtre Centaur, Eda Holmes, guidera les chanteurs dans leurs déplacements sur scène.

Carmen : version concert abrégée
Mardi 8 mars et mercredi 9 mars à 19 h 30 – Salle Pierre-Mercure
Julie Nesrallah (Carmen),mezzo-soprano / Ernesto Ramirez (Don José), ténor
Suzanne Taffot (Micaëla), soprano / Hugo Laporte (Escamillo), baryton
Eda Holmes, metteure en scène
Orchestre classique de Montréal / Boris Brott, chef