Pour son plus récent roman, Tout ce qui reste, Suzanne Aubry s’inspire de sa sœur jumelle, de ses écrits, de la censure américaine et de l’Union soviétique des années 30. Tout cela donne un roman très poétique, une histoire déroutante et troublante dans une ville imaginaire où l’on peine à suivre la jeune Bette dans ses pensées, ses souvenirs, sa mémoire trompeuse. On retrouve tout le talent de Suzanne Aubry et un peu de celui de sa jumelle Danielle.
Résumé : Bettina Morin, jeune fille de onze ans solitaire et rebelle, habite avec ses parents dans la Ville Blanche, où l’hiver semble s’être installé à demeure. L’Ordre y est maintenu par des Gardiens, et la bibliothèque a été condamnée, les livres ayant fait l’objet d’un Grand Ménage. Un jour, le père de Bettina disparaît soudainement. Elle entreprend alors un périple hasardeux pour tenter de le retrouver.
Pour avoir lu tous les livres de Suzanne Aubry, j’avais bien hâte de découvrir ce nouveau roman qui ne ressemble en rien à tous ses autres écrits. Et pour cause, celui-ci lui a été inspiré par sa sœur jumelle qui, dans la jeune vingtaine, avait écrit près de 75 pages de : les villes imaginaires et qui lui a été légué à son décès en 2008. C’est ce qu’on apprend à la toute fin du roman, alors que l’autrice nous parle de l’itinéraire de l’écriture de son roman et qu’elle nous raconte comment le roman s’est modifié au point de décrire la jeune Bette comme la fillette que Danielle a été, avec «l’ourlet de sa jupe d’écolière perpétuellement défait, sa révolte précoce contre les poncifs des adultes et contre toute forme d’autorité, ses réflexes de protection à mon égard, l’éclat ironique dans ses yeux sur nos photos de classe…» De connaître la genèse de ce livre m’a permis une lecture plus tendre et enveloppante de ce roman qui peut sembler triste et pessimiste par moment. J’ai senti tout l’amour et le lien fort qu’il y avait entre les deux sœurs, par la poésie des mots si bien choisis.
L’autrice s’est également inspiré des événements marquants de la guerre et l’Union soviétique des années 30, en nous racontant l’histoire de Mme Glinka avec le journal de bord de son père et son mari prisonnier de guerre par la suite. On a l’impression de lire deux histoires en une. Dans les deux cas, on nous parle de résilience, de perte de liberté, d’abandon et de mémoire et de faux souvenirs.
Finalement, on se promène dans la « Ville Blanche», endroit fictif, qui ne ressemble à rien que l’on connaît. C’est l’hiver à l’année on dirait. Les bibliothèques n’existent plus, car tous les livres ont été détruits et interdits. Les Gardiens sont partout pour faire régner l’Ordre. Bettina vit avec une mère alcoolique et un père qui déteste son emploi au point de vouloir disparaître, ce qu’il fait un jour, laissant sa fille désemparée. On peut dire que cette histoire est assez déroutante et troublante.
Puis, on retrouve Bettina dans la vingtaine, jeune adulte, alors qu’un événement tragique la forcera à retourner dans ses souvenirs, revisiter son passé qu’elle avait décidé de mettre de côté. Et elle va découvrir comment son cerveau, sa mémoire et son imagination ont joué un rôle crucial dans sa vie pour la tenir à flot jusqu’à l’âge adulte.
Suzanne Aubry est diplômée en écriture dramatique de l’École nationale de théâtre du Canada. Elle a publié seize romans, dont Ma vie est entre tes mains, finaliste au Prix des cinq continents de la francophonie, et Le Portrait, parmi les meilleurs romans de l’année de la revue L’Actualité (2023) et figurant dans la liste préliminaire du Prix France-Québec (2024). Elle a été nommée membre de l’Ordre du Canada en 2022.
Date de parution : 2 avril 2025
Nombre de pages : 224 pages
Prix : 26,95 $
Éditions Stanké : https://editionsstanke.groupelivre.com/