Alors que la riche programmation de la saison 2025-2026 à la Salle Bourgie nous avait été la veille annoncée avec chic et doigté par l’équipe de Caroline Louis et Olivier Godin, le pianiste français Jean-Baptiste Fonlupt nous offrait, ce mercredi soir 30 avril, un ambitieux récital Bach, Rachmaninov et Brahms.
Nous retiendrons trois moments de ce récital survenus dans la seconde moitié de son programme: le mouvement Andante espressivo de la troisième sonate opus 5 de Brahms et l’Intermezzo de celle-ci marqué Andante molto. Puis, bien entendu, le second intermezzo extrait de l’opus 118 joué en rappel. C’est ce que monsieur Fonlupt a réussi de mieux et de plus émouvant.
Un immense défi
Les Préludes de Rachmaninov qu’ils soient de l’opus 3, l’opus 23 ou l’opus 32 exigent une éloquence et une intériorité immensément astreignantes en articulation soutenue avec une parcimonie de l’usage mesurée de la pédale comptant aussi sur une égale limpidité de la main gauche que de la main droite entre lesquelles s’échangent la mélodie et les voix intérieures.
Certains préludes requièrent des appuis d’une impeccable solidité par-delà l’essentielle fluidité exigée à la main gauche (opus 23 no.2) : Rachmaninov requiert ailleurs absolument aucune sorte d’instabilité rythmique (opus 23 no.5) de la main gauche et de la main droite celle-là encore insufflant, plus avant, ce chant triomphal ou langoureux de la partie centrale et cela vaut pour chacun de ces deux préludes. Ce sont de hauts sommets de virtuosité et de poésie russes.
Cette parfaite coordination des mains à l’unisson doit être imparable à aucun escamotage en descente ou en remontée des accords arpégés ou de ces lancées d’octaves: l’omission, par ténuité subite, du son audible ou un soudain excès de délicatesse engendre l’impression que le souci du détail disparaît.
Versions de référence surgissant malgré nous
Le public mélomane connaît les interprétations quasi qualifiées par plusieurs de définitives sous les doigts de Svjatoslav Richter, Vladimir Ashkenazy, Andrei Gavrilov, Agustin Anievas, Jean-Philppe Collard, Idil Biret, arrêtons vite l’énumération là avec la mention incontournable du jeune et mûr phénomène Lukas Geniusas. C’est donc un terrain où il faut s’aventurer en pleine conscience qu’ils furent composés par le plus grand pianiste virtuose (avec Alfred Cortot) du vingtième siècle et que ses mélodies sont d’une finesse méditative déchirante en leurs souffrantes élocutions.
Ce défi de soigneuse élaboration de chaque miniature n’a forcément pas toujours été relevé à cette magnitude d’exigences dans cet opus 23 mais ce ne fut pas le désastre non plus. La chacone de Bach arrangée par Busoni ouvrait le récital et elle avait servi à étaler les moyens techniques et l’étendue de l’intériorité de l’interprète qui en était à son premier récital à Montréal.
Nouvelle saison 2025-2026
Alors que la salle Bourgie reçoit des artistes jeunes de la magnitude de Charles Richard-Hamelin tout comme j’ai souvenir d’il y a encore peu de temps d’y avoir accueilli l’intégrale de la musique de piano de Brahms offerte par nul autre que le géant Garrick Ohlsson (tant au sens propre que figuré), la richesse de ce qui s’en vient, dès le 2 octobre prochain, comblera le public.
Quand bien même passe vite le temps de bien vivre en musique à Montréal, ces perfections d’interprétations offertes par la Salle Bourgie ne s’oublient pas.
Des incontournables en 2025-2026
Le cycle des lieder de Schubert se poursuivra entre autres avec Anne Sofie von Otter (mezzo), Wolfgang Holzmair (baryton), Sylvia Schwartz (soprano) avec Olivier Godin au piano. Les récitals de piano seront encore tous glorieux avec une saison musicale ouverte par le fabuleux pianiste Leif Ove Andsnes le 2 octobre, puis les récitals de la mi octobre du pianiste en résidence Kristian Bezuidenhout.
À noter, une semaine entière, au début novembre, d’une mosaïque de récitals de piano quotidiens parmi lesquels la venue de la grande Béatrice Rana et un premier récital de l’intégrale des sonates de Prokofiev sous les doigts de David Jalbert. Le 30 janvier, juste avant les vacances d’hiver (au plus ardu) surviendra le récital du pianiste Vikingur Olafsson.
Bien entendu, musique de chambre, Violons du Roy, quatuors divers, le retour de Janina Fialkowska qui remportait il y a 50 ans un concours immense le Arthur Rubinstein. Je souligne le duo de ces fabuleux pianistes québécois Marc-André Hamelin et Charles Richard-Hamelin, en paire, deux pianos les 1er et 2 avril 2026. On retrouvera de la guitare, des 5 à 7 jazz, de la musique contemporaine et, mon pianiste préféré, parmi tous, pour l’exquise finesse de son jeu exquis, monsieur Dang Thai Son, le 20 mai 2026.
Plein de trésors à découvrir en fouinant dans cette programmation!
Mercredi soir 30 avriI
INTERPRÈTE
Jean-Baptiste Fonlupt, piano
PROGRAMME
J. S. BACH/BUSONI Chaconne en ré mineur, BWV 1004
RACHMANINOV Préludes, op. 23
BRAHMS Sonate pour piano no 3 en fa mineur, op. 5