Vous souvenez-vous de l’affaire Shafia? C’était le 30 juin 2009. Quatre femmes, dont trois sœurs, étaient retrouvées mortes dans le canal de Kingston, en Ontario. Les Shafia habitaient Montréal. Avant de mourir, les trois sœurs avaient demandé de l’aide à plusieurs organismes, plus d’une fois, parce qu’elles craignaient pour leur vie. Sans résultat. Elles étaient, comme on l’a dit par la suite, passées sous le radar.
Une nouvelle affaire Shafia est-elle possible au Québec aujourd’hui? C’est la grande question que pose la réalisatrice et productrice Raymonde Provencher dans son nouveau film-documentaire Déchirements, présenté à Télé-Québec le mercredi 25 octobre à 20 h.
C’est un fait avéré : chaque année, des Québécoises appartenant à certaines communautés culturelles sont obligées par leurs parents à contracter un mariage qu’elles ne souhaitent pas. Les victimes de mariage forcé sont généralement jeunes et beaucoup sont encore aux études. La famille profite souvent des vacances scolaires pour retourner dans le pays d’origine et organiser les noces, que ces adolescentes mineures encore sous l’autorité paternelle ne peuvent refuser.
« La problématique de la violence basée sur l’honneur est un sujet tabou! […] Il ne faut pas se leurrer : il y a des mariages forcés qui ont lieu ici, au Québec. On a probablement encore beaucoup de difficulté à accepter cette réalité-là, mais il faut nommer un chat, un chat! » nous confirme Maud Pontel, coordonnatrice au Bouclier d’Athéna, un organisme sans but lucratif qui vient en aide aux femmes victimes de violence conjugale et familiale depuis 25 ans.
Pour ces jeunes filles, la famille est une valeur fondamentale et elles dépendent financièrement de leurs parents. Elles ont souvent un réseau social peu développé à l’extérieur de la famille… et elles ne sont pas habituées à se rebeller. Tiraillées entre deux systèmes de valeurs – celui de leur famille, qui ne répond pas à leurs aspirations, et celui de la communauté qui les accueille, trop permissif selon leurs parents –, elles cherchent à affirmer leur identité au prix de liens importants qu’elles doivent parfois rompre pour leur propre sécurité. Mais comment ces jeunes filles peuvent-elles faire respecter leurs droits garantis par la Charte des droits et libertés de la personne?