Il est rare qu’on rende hommage à deux chefs d’orchestre qui forment un couple depuis des décennies et qui ont eu une influence majeure sur la vie musicale québécoise. Ce moment unique dans notre histoire s’est déroulé ce soir (19 mars) à la Salle Bourgie, où Raffi Armenian et Agnes Grossman ont reçu avec émotion des témoignages de musiciens qui se considèrent un peu comme leurs héritiers. Monsieur Armenian a enseigné au Conservatoire de musique de Montréal durant plus de 30 ans et madame Grossman a dirigé l’Orchestre Métropolitain, durant près de dix ans. C’est donc tout naturellement que des musiciens de l’OM et du Conservatoire de musique de Montréal ont interprété une sélection d’oeuvres en l’honneur de ces deux bâtisseurs.
Sur les chemins du hasard
Au-delà de leurs carrières exceptionnelles, Agnes et Raffi sont visiblement restés de grands amoureux. Il faut les voir avancer main dans la main dans une allée de la salle Bourgie, serrant la main ou faisant la bise à des admirateurs, en s’échangeant des regards complices, comme de jeunes mariés! On apprendra, au cours de la soirée, que ni l’un ni l’autre n’avait prévu devenir chef d’orchestre.
Âgé de 81 ans, Raffi Armenian, né au Caire de parents arméniens, est arrivé au Canada dès la fin des années 1960. Il a notamment dirigé l’Orchestre de Kitchener-Waterloo, durant plus de vingt ans. Par la suite, il a été professeur de direction d’orchestre au Conservatoire de musique de Montréal où il a enseigné, entre autres, à Jean-Marie Zeitouni et Véronique Lacroix.
La première femme au monde à devenir directrice artistique d’un orchestre symphonique
Née à Vienne, Agnès Grossmann qui aura 80 ans le mois prochain, est arrivée au Canada en 1981, pour enseigner à l’Université d’Ottawa. Elle avait d’abord étudié le piano mais, à la suite d’une blessure à la main droite, elle s’est tournée vers la direction d’orchestre. À Montréal, on lui confiera la direction de l’Orchestre Métropolitain de 1986 à 1995, ce qui lui permettra, alors, de devenir la première femme au monde à être nommée directrice artistique d’un orchestre symphonique.
«Merci Pierre Péladeau»
Après toutes ces années, madame Grossmann a toujours un fort sentiment d’appartenance envers l’OM. Devant plusieurs centaines de spectateurs réunis à la Salle Bourgie, la musicienne a évoqué l’époque où cet orchestre était en difficulté financière. C’est à ce moment qu’elle est allée frapper à la porte d’un célèbre homme d’affaires québécois qui a finalement accepté de s’impliquer pour sauver l’Orchestre Métropolitain. «Je ne remercierai jamais assez Pierre Péladeau», renchérit-elle, en se réjouissant du grand succès que connaît aujourd’hui cette formation dirigée par Yannick Nézet-Séguin.
Musique et capsules vidéo

Le concert intitulé Hommage à Raffi Armenian et Agnes Grossmann réunissait plusieurs invités de marque dont les pianistes André Laplante, Michael McMahon et Olivier Godin, ainsi que les sopranos Aline Kutan et Kimy McLaren, le violoniste Van Armenian et le chef d’orchestre Jean-Marie Zeitouni.
Des oeuvres de Schubert, Schumann, Berg, Mozart et Richard Strauss, entre autres, étaient au programme de cette soirée organisée de main de maître par Olivier Godin, directeur artistique de la Salle Bourgie.
Entre les numéros musicaux, on a inséré des capsules vidéo, où le couple répondait aux questions de l’acteur et musicien Jean Marchand. Ces enregistrements, réalisés en décembre 2023, nous ont permis d’en apprendre davantage sur les circonstances dans lesquelles Agnes et Raffi se sont connus.
«Vive l’amour!»
Monsieur Armenian est allé étudier la musique à Vienne, où il a rencontré celle qui allait devenir sa conjointe.
Il a même appris le chant avec le père de sa bien-aimée, Ferdinand Grossmann qui fut directeur artistique des célèbres Petits chanteurs de Vienne.
«J’avais 19 ans et elle en avait 17», souligne l’octogénaire, d’un air taquin!
Saisissant la balle au bond, son épouse précise fièrement: «Ça fait 63 ans qu’on est ensemble! Vive l’amour!»
En un mot, les spectateurs présents n’oublieront pas de sitôt ces moments de grâce avec deux éternels passionnés!
D’ailleurs, plusieurs sont restés après le concert pour aller témoigner personnellement de leur attachement à ces deux personnalités chaleureuses.
Quel bonheur de pouvoir applaudir et dire merci à ce couple lumineux et toujours désireux de passer le flambeau à de nouvelles générations de musiciens!
On se souviendra de cet hommage magique en se disant, j’ai eu la chance d’être là, à la salle Bourgie, le 19 mars 2024, pour une soirée digne d’entrer dans les annales de notre histoire de la musique!
Crédit photo : Claudine Jacques