Définitivement, le pari de marier cirque, musique, danse et théâtre aux monologues d’Yvon Deschamps est réussi. Jean-François Blais, idéateur, concepteur et metteur en scène excelle sur toute la ligne !
Dès le tout début, la salle est mise à contribution avec le rôle-muet du contremaître (David-Alexandre Després) qui nous incite à réagir, sous les indications visuelles qui rappellent les films sous-titrés de Charlie Chaplin – les préférés de Deschamps – appuyé par le piano très ragtime ici joué par Guillaume Marchand : « Applaudissez ! », « Riez ! » , « Plus fort que ça ! ». Le ton est lancé : ne vous gênez surtout pas pour vous exprimer haut et fort, tout au long du spectacle.
Le narrateur de la soirée, Yvon Deschamps lui-même, intervient régulièrement sur l’écran-pastille, à l’aide d’enregistrements réalisés récemment, visant à lier les différents tableaux, jetant un regard sur l’action qui se déroule sous ses yeux.
Fidèle à lui-même, ses propos sont drôles et font réfléchir. Ils nous rappellent surtout qu’on aimerait donc le revoir sur scène. À 87 ans, il a toujours ces intonations vives qui lui sont caractéristiques et l’œil moqueur qu’on lui connaît.
Acteurs, danseurs, musiciens, acrobates, tous sont vêtus de blanc – à l’exception du contremaître – dans les décors de la shop où règnent boîtes et tapis roulant, sous un éclairage souvent sépia, nous transportant directement dans l’histoire rétro-futuriste de ces employés qui, par obligation ou par naïveté, sont très fiers d’être exploités par le bon boss. Malgré la répétition des mouvements, aschlik-aschlak-aschlik-aschlak, ils réussissent quand même à réfléchir à la vie, à l’amour, à la mort…
Ainsi, les plus grands monologues de Deschamps se succèdent, pas tant en entier, mais remaniés, tout en gardant l’essentiel. Parfois en monologue, mais souvent les 4 interprètes s’échangent les phrases bien connues : « Bonheur, m’entends-tu ? Bonheur, dis-moi que tu vas venir… ». David Savard, Sylvain Marcel, Stéphane Archambault et Élizabeth Duperré livrent de grandes performances. Dans les textes et dans les chansons. Un talent vocal que nous ignorions d’Élizabeth Duperré.
Huit d’entre elles sont signées Yvon Deschamps (Seul, Les fesses, On est content…), mais le concepteur a aussi pensé à 10 pièces du répertoire québécois toutes très appropriées à leur segment respectif.
Notons Travailler de Michel Pagliaro et Comme un million de gens de Claude Dubois entres autres, qui se fondront ensemble suite aux Unions qu’ossa donne ? Ou encore Cash City de Luc De Larochellière, complètement revisitée à la fin de L’argent. Richard Desjardins, Pierre Flynn, Vincent Vallières, Clémence Desrochers, Richard Séguin, et plusieurs autres textes ennoblissent le volet musical du spectacle.
S’ils ne sont que trois musiciens pour ces grandes partitions, rien n’y paraît. Guillaume Marchand à la direction musicale et au piano, Rachel Hardy-Berlinguet à la basse et Benoît Rocheleau pour tout le reste : trombone, trompette, flugelhorn, cor français, glockeinspel, batterie et percussions !
Les danseurs de la troupe internationalement connue DM Nation ajoutent encore plus de rythme avec des chorégraphies contemporaines qui s’unissent bien au propos, on aimerait les voir plus, mais le point central ici reste bel et bien les textes. Quant aux 2 circassiens, ils complètent magnifiquement bien certains numéros avec beaucoup d’émotions. Ne serait-ce que certains problèmes de son, ce spectacle est parfait !
Bien que les interprètes n’imitent en aucun cas le père de l’humour au Québec, immanquablement, c’est sa voix que nous aurons en tête sur certains mots. On n’a qu’à penser à « C’t’écoeurant !» ou « Paklow ! ». N’entendez-vous pas Deschamps ? Vraiment, c’est un plaisir innommable de réentendre ces classiques dans cet univers quasi théâtral.
Le boss est mort, La paternité, Le bonheur, les grands textes de Deschamps ont été répartis sur huit tableaux présentés par les 4 rôles que sont le mouton (Archambault), le frondeur (Savard), le syndicaliste (Marcel) et l’amoureuse (Duperré).
Et quand on aura traversé tous ces sujets, Deschamps concluera : « La vie, s’est-elle détériorée ou améliorée ? Elle s’est améliorée, donc ça va continuer. On ne sait pas comment ça va se passer, mais ça va continuer à s’améliorer. En tous cas, faut être positifs, faut être confiants, mais surtout faut être vi-gi-lants. Bonne chance ! ». Alors que la machine a remplacé l’homme on se questionne aussi sur le rôle de l’intelligence artificielle.
Sous un tonnerre d’applaudissements, les 4 interprètes reviendront pour entonner a cappella Aimons-nous quand même. Les harmonies donnent des frissons et rapidement la salle s’y joindra à l’unisson.
La tournée est lancée et vous pouvez vous procurer vos billets ici. Pour ce qu’il en reste. Déjà 5 supplémentaires ont été annoncées.
Il y a quelques semaines, a été lancé un ouvrage recueillant 40 ans de monologues et de chansons d’Yvon Deschamps qui en intéresse déjà plus d’un. Vérifiez avec votre libraire, car tout comme les billets de spectacle, – le livre Vraiment tout Dechamps… au complet s’envole vite !
Voyez quelques artistes qui ont assisté à la première