Les oiseaux, véritables symboles d’élévation pour l’humanité, étaient au coeur d’un événement musical unique, en fin de semaine, au Festival de Lanaudière. Catalogues d’oiseaux, oeuvre d’envergure du compositeur Olivier Messiaen, y était présentée en quatre concerts, vendredi et samedi (22 et 23 juillet). La chouette hulotte, Le merle bleu, L’alouette calandrelle, etc., ont été interprétés par le réputé pianiste français Pierre-Laurent Aimard qui a lui-même longtemps côtoyé Messiaen. Plus encore, les festivaliers ont pu écouter les oiseaux de Messiaen non pas dans une salle mais bien dans le décor naturel et enchanteur de l’Amphithéâtre Fernand-Lindsay. Les concerts ont eu lieu à différentes heures du jour et du soir correspondant aux moments où chantent les oiseaux mis en valeur dans l’oeuvre. Compte rendu d’un rendez-vous audacieux !

Crédit : Annie Bigras
Catalogue d’oiseaux de Messiaen totalise plus de 2 heures et demie de musique. L’oeuvre pour piano seul est rarement jouée en entier en concert. Au Festival de Lanaudière, c’était la première fois. Le Catalogue comporte treize pièces. Chacune a pour titre le nom d’un oiseau-type d’une région de France. L’oeuvre a été créée par l’épouse de Messiaen, Yvonne Loriod. Cette dernière a d’ailleurs enseigné à Pierre-Laurent Aimard qui connaît le Catalogue d’oiseaux depuis sa jeunesse; il l’a même gravé sur disques, il y a quelques années.
Après un premier concert à 22h, le 22 juillet, le pianiste a poursuivi dès 8 heures, le lendemain. Chacune des prestations durait environ 45 minutes. Pour ma part, c’est à compter de 14h que j’ai plongé dans ce monde sonore à la gloire de la gent ailée. Outre la virtuosité de l’interprète, j’ai tout de suite été captivé par les «drames musicaux» qui se jouent dans chaque pièce. On y fait la connaissance, entre autres, du Merle de roche qui semble enclin aux ululements… Amusant ! Séduisant ! La vedette du concert de 17h fut la rousserolle effarvatte, une espèce de fauvette, dont l’univers dépeint par Messiaen s’avère riche en rebondissements ! Intrigant ! Fascinant !
Malgré la canicule, quelques dizaines de passionnés, que ce soit d’ornithologie ou de musique, sont restés pleinement attentifs à ces chants d’oiseaux, bercés par le murmure d’un doux vent agitant les feuilles des arbres lanaudois. Nous étions, à maintes reprises, en apesanteur, au-dessus de la chaleur écrasante, portés par ce piano tantôt piailleur, tantôt moqueur.
Tout cela, sans une goutte de pluie, malgré des prévisions préoccupantes ! «Nous avons déjoué les éléments!», s’est réjoui Pierre-Laurent Aimard, lors d’une séance de signature de son coffret Catalogue d’oiseaux. « Messiaen a exprimé tout ce qu’il avait à exprimer» estime le pianiste dans le DVD inclus dans ce coffret, ajoutant que Messiaen a su puiser dans la nature et ses manifestations sonores et visuelles la source de son matériau de composition et le fondement de ses thèmes spirituels.
Balade musicale en forêt

Crédit : Annie Bigras
Sur le coup de 15 heures, les mélomanes furent invités à se dégourdir les jambes en marchant quelques kilomètres, non loin de l’amphithéâtre, dans une pinède longeant la rivière L’Assomption, d’où émanait une brise bienveillante.
Pour accompagner les marcheurs dans cette balade musicale au parc de l’Île Vessot, la harpiste Annabelle Renzo a joué quelques pièces. Madame Renzo nous a aussi gentiment invités à ralentir le pas pour mieux vivre ce moment «de contemplation et de recueillement, ponctué de silences et de lenteur.»
À notre retour à l’Amphithéâtre Fernand Lindsay, nous attendait un musicologue, pour une très éclairante conférence sur la place des oiseaux dans la musique classique. On s’en doute, ce n’est pas d’hier que les volatiles inspirent des compositeurs !
En toute simplicité, Benjamin Goron nous a fait faire un voyage allant du Chant des oiseaux de Clément Janequin (XVIe siècle), jusqu’à nos jours, avec extraits musicaux qu’il coordonnait lui-même à partir de son portable.
Bref, tout cela n’est-il pas justement ce qu’on attend d’un festival ?
Fournir aux mélomanes des occasions de découvrir des oeuvres ou d’apprendre à mieux les connaître demeure une nécessité pour le public qui a toujours tendance à se rabattre sur des musiques qu’il connaît déjà.
Malheureusement, il n’y avait que quelques dizaines de spectateurs dans l’Amphithéâtre qui peut en accueillir deux mille. L’ensemble des quatre concerts n’aurait attiré que quelques centaines de personnes. «J’ai l’impression que, cet été, nos festivaliers sont partis en voyage, ce qu’ils n’ont pas pu faire au cours des dernières années», confie le directeur artistique Renaud Loranger. C’est peut-être aussi le prix de l’essence qui est en cause ou les très nombreux chantiers routiers.»
Quoi qu’il en soit, grâce à l’audace du Festival de Lanaudière, nous avons eu droit à une oeuvre colossale présentée dans un décor enchanteur par un interprète chevronné ! Il ne reste plus qu’à trouver de nouvelles façons d’amener le public à pareils rendez-vous audacieux !
Cette semaine au Festival de Lanaudière

La semaine qui commence sera chargée au Festival de Lanaudière. D’une part, on assistera au retour du célèbre baryton Matthias Goerne, après une dizaine d’années d’absence au Québec.
Le chanteur sera accompagné du pianiste Alexandre Kantorow qui a remporté la plus récente édition du Concours Tchaïkovski.
Matthias Goerne, baryton
Alexandre Kantorow, piano
Programme entièrement consacré à Schubert
Église de la Purification, Repentigny
28 juillet, 20h. Détails
La fin de semaine sera marquée par la visite très attendue du chef d’orchestre et claveciniste américain naturalisé français William Christie qui prendra part à quatre concerts. Deux d’entre eux seront présentés avec l’ensemble Les Arts Florissants, dont il est le fondateur. Voir autre texte