J’avais hâte de voir cette pièce et le travail des auteurs Fanny Britt et Mani Soleymanlou mais je dois dire que ce texte ne s’adresse pas à tous les publics. En nous révélant les multiples facettes du théâtre classique, on nous répète ad nauseam, sur tous les tons et dans toutes les gammes, un lot de propos ubuesques… parfois même en hurlant comme une meute de loups.
Pourtant, les huit comédiens devisent gaiement et se baladent en répétant du Sophocle et du Corneille, traversant les siècles et les millénaires en moins de deux. Pas sûr que tous les spectateurs ont vraiment compris le sens initial du propos. Mais on riait dans la salle et parfois on ricanait.
D’ailleurs, à la tombée du rideau, les applaudissements nourris ont été assez courts. Si le TNM peut garder le «standing» et la crédibilité d’une telle pièce, certains autres théâtres québécois pourraient-ils en faire autant? On pourrait me répondre que le TNM est un théâtre élitiste.
D’accord, mais pour moi, le théâtre doit porter un regard périphérique et rejoindre le plus de gens possible si on veut qu’il perdure, surtout en cette période de disette intellectuelle et pécuniaire où l’on peine à combler les salles de spectacles. Alors que les humoristes sont omniprésents et jouent à guichets fermés!
Des performances exceptionnelles
Il faut par contre souligner le travail exceptionnel et la performance superbe des huit comédiens sur scène, accompagnés de trois musiciens. La symbiose entre les deux groupes nous a semblé parfaite. Difficile de résister à une Kathleen Fortin toute en voix et époustouflante dans sa robe pailletée et scintillante, ainsi qu’à Jean-Moïse Martin, en symbiose avec l’orchestre, dans une chanson endiablée rendue à la perfection.
Qui sont les Classique(s) ?
Peut-on affirmer que Shakespeare est un classique? La réponse est évidente mais cet auteur a-t-il existé vraiment? C’est la question que se pose le philosophe canadien, né en Italie, Lamberto Tassinari dans son livre (rédigé en anglais et traduit en français par Michel Vaïs) : John Florio alias Shakespeare (Le Bord de l’Eau).
Dans cet ouvrage, on mentionne en page couverture «L’identité de Shakespeare enfin révélée» supposant que Shakespeare, ce fameux auteur prétendument britannique, n’a jamais existé : un Italien né à Londres, nommé John Florio ayant écrit l’oeuvre et utilisé un pseudonyme. Comme quoi, dans les Classique(s), rien n’est moins sûr.
Une pièce hermétique mais, à la toute fin, un tour de chant jubilatoire fait basculer la donne.
Crédit photo : Yves Renaud
Au TNM jusqu’au 10 avril
Texte Fanny Britt et Mani Soleymanlou
Mise en scène : Mani Soleymanlou
Assistance à la mise en scène : Jean Gaudreau
Distribution : Louise Cardinal, Martin Drainville, Kathleen Fortin, Julie Le Breton, Jean-Moïse Martin, Madeleine Sarr, Benoit McGinnis
Musique : Philippe Brault
Musiciens : Violon : Mélanie Bélair; Piano : Alexis Elina; Violoncelle : Annie Gadbois Lumière : Martin Labrecque Costumes : Cinthia St-Gelais
Maquillage : Amélie Bruneau-Longpré