Hier soir, j’étais à la Première de la version 2023 de «La Corriveau: la soif des corbeaux» et c’était magique. Pas une comédie musicale à proprement dit, plutôt une légende québécoise racontée en chanson et parfois en poésie. Appuyée par une musique très québécoise qui frôle le style folklorique et la chanson à répondre. Si vous aimez Fred Pellerin racontant une histoire, vous allez adorer ce spectacle épique.
L’histoire navigue entre la vérité et la légende de Marie-Josephte Corriveau condamnée à mort par une cour martiale britannique en 1763. Le spectacle se déroule lors du procès biaisé, traitant de plusieurs sujets qui sont encore d’actualité, tels que la violence conjugale, la victimisation de l’agresseur, le féminisme, etc. Les ragots ont transformé au fil du temps cette jeune femme en vieille sorcière qui aurait tué ses sept maris.
En plus d’avoir fait une mise en scène fluide, Jade Bruneau dans le rôle-titre de la Corriveau montre les différentes facettes de la fille, la mère et la femme battue. Sa voix chantée forte, surtout quand elle monte en belting, lui donne beaucoup de caractère. Plus effacée en première partie, elle revient en force pour offrir de grandes émotions après le verdict. À la fin, on se demande si elle ne serait pas coupable d’être femme.
Le clou du spectacle, ce sont les avocats. À commencer par la Procureure Maître Corbeau jouée à merveille par Hélène Major. Tantôt drôle souvent dramatique, elle se démarque à chacun de ses passages avec sa voix puissante solide et expressive. José Dufour dans le rôle de l’avocat de la défense ne donne pas sa place avec une voix agréable et de bons aigus, comme dans sa première chanson «Dans l’temps». Son duel chanté entre lui et la Procureure est un des moments forts de la soirée.
Renaud Paradis dans le rôle du père utilise une voix plus grave que normal. Avec beaucoup d’émotions dans la voix, il est plus acteur que chanteur. Tout comme son gendre, joué par Simon Fréchette-Daoust. Par la magie du moment, on le fait revivre pour témoigner au procès de son propre meurtre
La distribution est complétée par des interprètes avec autant de talents. La journaliste (Karine Lagueux) fait la narration de l’histoire, la cousine (Frédérique Mousseau) joue l’ingénue qui ment comme elle respire, et le fou du village (Simon Labelle-Ouimet).
Tous les interprètes jouent aussi d’autres rôles représentant le village qui invente plein de ragots. On adore quand ils s’imposent tel un choeur grec pour soutenir un personnage principal qui est mis de l’avant.
Côté mélodique, aucune des chansons ne crée de ver d’oreille. Mais les harmonies vocales impressionnent. Chapeau à la direction vocale pour la chanson en contrepoint juste avant l’entracte. Même les dialogues riment pour enjoliver les mots de notre belle langue, tout en poésie.
Un coup de coeur pour l’orchestre à l’arrière de la scène, un peu effacée, mais bien présente dans nos oreilles. Avec seulement 3 musiciens, on a parfois l’impression qu’ils sont bien plus nombreux.
Je recommande «La Corriveau: la soif des corbeaux» à tous ceux qui aiment les contes et légendes. Le style de musique folklorique et de chansons à répondre plaira certainement aux amateurs du genre. Il reste 2 représentations à Montréal avant que le spectacle déménage pour l’été à Joliette et Victoriaville (voir l’horaire sur le site Web https://www.lacorriveau.ca).
Équipe de création
Production: Théâtre de l’oeil ouvert, Groupe ENTOURAGE
Livret et paroles: Geneviève Beaudet, Félix Léveillé
Chansons: Andrey Thériault
Mise en scène: Jade Bruneau
Direction musicale/Arrangements/Vidéos: Marc-André Perron
Direction vocale: David Terriault, Chris Barillaro
Décor/Costumes: Adam Provencher
Éclairages: Maude Serrurier
Maquillages Véronique St-Germain
Coiffures: Kathleen Gravel
Direction artistique: Jade Bruneau, Simon Fréchette-Daoust
Distribution
Renaud Paradis, Hélène Major, José Dufour, Frédérique Mousseau, Karine Lagueux, Simon Labelle-Ouimet, Jade Bruneau, Simon Fréchette-Daoust.
Musiciens
Marc-André Perron, Chris Barillaro, François Marion.
Monument National (1182 Boul. Saint-Laurent, Montréal)
Présenté en français du 14 au 17 juin 2023 à 20h.
Aussi du 6 au 29 juillet au Centre Culturel Desjardins de Joliette et du 11 au 18 août à Le Carré 150 de Victoriaville.
Billets en vente (49.95-64.95$/34.95$ étudiant) au https://monumentnational.tuxedobillet.com/main/la-corriveau-la-soif-des-corbeaux
Photos: Thierry Dubois