Il y a un-je-ne-sais-quoi d’enivrant quand on entre au Cabaret du Casino de Montréal pour assister à un spectacle. Foule bigarrée, rumeur des voix qui se rapprochent d’une barcarolle, cliquetis des coupes de vin, de la coutellerie et de la porcelaine, urgence des garçons entre les tables. S’il ne manque aujourd’hui que la fumée des cigarettes à la faveur des fifties et des sixties, a contrario quelques personnes ici et là portaient le masque. Et c’est bien ainsi.
Que du plaisir
La table était mise en cette soirée du jeudi pour le spectacle déjà rodé intitulé en toute logique Britishow, dans une salle pleine à craquer, ce qui étonne encore mais rassure, et fait contraste avec l’isolement obligatoire de la pandémie.
Personne n’y était pour bouder son plaisir bien au contraire, si je me fis au couple tout près de nous qui s’enlaçait tendrement, à ceux qui dansaient librement, aux autres qui bavardaient durant cet événement qui durera 90 minutes, 120 chansons en gage de réussite, 3 chanteurs à grande voix et 4 musiciens exceptionnels.
La cohorte des grands
De nommer tous les titres des chansons de cette cohorte de talents britanniques qui a pris d’assaut le monde à partir des années 60 serait absurde. Des Beatles à Tom Jones, oui à Donovan, Elton John évidemment, Led Zeppelin, Deep Purple et Bowie dans toute leur immensité, de l’épatant et sexy Rod Stewart mais aussi de Dua Lipa et Ed Sheeran. J’en passe…
Dans ce chapelet de succès divisé en 14 tableaux thématiques, on a reconnu des indémodables comme Every breath you take (The Police), Nobody does it better de Carly Simon dans la section James Bond, la brillante Start me Up de Sir Mick Jagger fait chevalier par la Reine tout comme Rod Stewart, Paul McCartney et Elton John.
Mais non, U2 n’y sera pas à ce Britishshow puisque ses membres sont de la République d’Irlande, nation souveraine distincte du Royaume Uni, nous précisera-t-on.
Ce collier de perles de musiques qui rafraîchit la mémoire fera une place particulière aux Beatles en tant que groupe mais aussi une fois que chaque membre aura pris son envol : Ticket to ride, Penny Lane, Love me do, Drive my car, My Sweet Lord Jef, Hey Jude, etc…
Clin d’oeil aux Québécois
Jolie pensée aussi pour ces Québécois qui ont transformé en succès The Last Waltz de Englebert Humperdinck repris par Michèle Richard en Dernière valse. Easy to love est devenue Aimer d’amour pour Boule Noire, etc.
L’idéateur et metteur en scène Mike Gauthier plus connu pour sa carrière à MusiquePlus, entre autres, et présent hier soir, a eu cette idée de faire tourner en fond de scène les 45-tours ou pochettes reconnaissables avec les titres des chansons comme dans un jukebox, ainsi que quelques informations affichées mais trop vite passées pour que l’on puisse lire aisément. Des gestes pourtant délicats et bien pensés pour les spectateurs.
Les grandes voix et la musique
Mais il faut parler de ces grandes voix qui sont propres au Québec sans lesquelles ce projet serait impossible… impensable. Renée Wilkin, à la voix immense tout le temps, à la carrière déjà engagée avec cette parenthèse qui l’a fait connaître du grand public, car gagnante de l’émission La Voix en 2014. Il faut l’entendre dans Whole Lot of Love de Zeppelin.
Yvan Pedneault, qui a fait de l’interprétation de Queen son cheval de bataille – We will rock you – ; pour lui, c’est l’épisode 2016 de La Voix qui fera la lumière sur lui. Puis, non pas le moindre, une découverte pour moi, Pascal Dufour, sex-appeal en prime, une guitare qui rock comme dans Time de Pink Floyd, autrefois membre du groupe mythique Les Respectables.
Tenir la scène pendant 120 chansons sans pause, d’un même souffle, tient du miracle, d’un travail acharné de passionnés. Donnez-moi de l’oxygène ! Rares fausses notes, toujours « on cue », roulant comme le feu. On est essoufflés pour eux. Gracias !
Aux instruments, le talent était aussi au rendez-vous avec Philippe Turcotte à la direction musicale, Styve Bolduc à la basse, Gordon Wood à la batterie. Mais le musicien le plus divertissant de la soirée a été Hubert Maheux à la guitare, qui par son style flamboyant, sa joie, sa dextérité a su séduire. J’ai cru un instant qu’il s’agissait du célèbre Kaven Girouard qui a accompagné Céline Dion et bien d’autres. Mais assise derrière la console, la distinction se fait au deuxième coup d’oeil.
Apaisant
Le Britishow est un spectacle à la fois apaisant et revigorant qui vous emmène dans un ailleurs envoûtant, fait oublier les dettes, les peines d’amour et les chicanes : des préliminaires opportunes avant le Temps des Fêtes. Presque sans failles question de voix, de répertoire et de musique, on aurait quand même voulu un peu plus de pas de danse, de changements de costumes comme faire valoir, d’éclairage songé, plus de duos rapprochés comme dans Paul et George pour sortir de la formule automate et pour que l’étincelle dans les yeux des convives soit encore plus ardente.
Photos : Zachary Therrien-Watt
Jusqu’au 11 décembre : détails