Le numéro consacré à Harmonium au dernier Gala de l’ADISQ a d’ores et déjà marqué l’histoire de la chanson québécoise, en réunissant les membres toujours vivants de ce groupe mythique, 40 ans après leur dernier spectacle. On sait que les hommages sont souvent ennuyeux, mais pas cette fois-ci. Qui est le magicien derrière ces 9 minutes 34 secondes incluant des extraits préenregistrés de Céline Dion, Michel Rivard, Richard Séguin et Paul Piché ?
Yves Lefebvre, metteur en scène du Gala de l’ADISQ, a plongé dans cette aventure dès janvier 2018. «Mon premier but était de revoir les membres d’Harmonium jouer leurs chansons, mais ça n’a pas été possible. C’est du matériel complexe qu’ils n’ont pas repris depuis très longtemps. Et, franchement, je crois que tous les interprètes qu’on a réunis ont créé quelque chose d’exceptionnel qu’on ne reverra pas».
Comment amener Céline Dion, qui est rarement au Québec, à participer à un tel hommage ? «J’ai une ligne assez directe avec Dieu», répond Lefebvre qui a travaillé pour la chanteuse, dans les années 90, comme réalisateur de ce qu’on voyait sur les écrans géants lors de la tournée Falling into you. «Quand j’ai contacté l’équipe de Céline, on m’a tout de suite dit oui. Elle ne pouvait pas venir à Montréal, alors elle a enregistré son extrait de «Un musicien parmi tant d’autres» à Vegas. Puisque Céline était préenregistrée, j’ai décidé d’en faire autant pour messieurs Rivard, Séguin et Piché, pour des raisons esthétiques. Ça aurait été bizarre de les avoir «live» alors que Céline devait être sur écran, tout comme la vingtaine de fans d’Harmonium invités à pousser quelques notes de leur groupe fétiche.»
Casse-tête informatique
Les invités pré-enregistrés ont chanté à partir d’une bande réalisée par David Laflèche, avec la collaboration de Simon Leclerc qui dirigeait l’OSM pour l’hommage à Harmonium. «J’ai dû utiliser trois logiciels en même temps pour synchroniser le tout à la perfection; ça a nécessité environ 80 heures de travail.»
Un secret gardé hermétiquement
Plus encore, Yves Lefebvre affirme que les Marie-Pierre Arthur, Philippe Brach, Catherine Major, Ariane Moffatt, Patrice Michaud, Yann Perreau, ne savaient pas qui étaient les invités préenregistrés et qu’ils les ont découverts, en même temps que le public. «Durant les répétitions, l’OSM jouait les mesures qui allaient être chantées par Céline et les autres, sans qu’on les entende et sans qu’on dévoile leurs noms».
Course contre la montre
Comment installer 67 musiciens de l’Orchestre symphonique de Montréal sur scène durant une pause publicitaire? «Quand nous avons commencé à aborder cette question, certains de mes collègues sont devenus blêmes! En effet, en plus des musiciens eux-mêmes, il faut aussi transporter plusieurs instruments assez lourds dont la harpe. Mais nous avons répété et répété! Au début, ça nous prenait plus de 7 minutes ce qui n’aurait pas eu de bon sens! Au gala, dimanche soir, nous l’avons fait en 4 minutes 25 secondes.»
Pleurer comme un enfant
«J’ai 48 ans et cet hommage m’a valu les plus beaux compliments que j’ai eu dans ma vie! Serge (Fiori) m’a serré dans ses bras; il pleurait comme un enfant. Même le premier ministre Trudeau m’a serré dans ses bras pour me féliciter!»
«On a mis quelqu’un au monde, on devrait peut-être l’écouter»… Fiori ne peut plus en douter, lui et sa bande ont bel et bien été entendus et leurs voix résonneront en nous encore longtemps.