De retour d’une triomphale tournée européenne, l’OSM offrait deux premières mondiales à la Maison Symphonique dont une en compagnie de la grande voix québécoise Marie-Nicole Lemieux dans le cadre du concert Le temps des fêtes avec Nagano.
Accueilli avec une salle comble et enthousiaste, l’OSM est apparu sous la direction de son chef précédent, encore fort aimé du public, soit Kent Nagano. Il aura offert, lundi soir 10 décembre, un florilège d’œuvres aux échos festifs encore repris le 11 et, en partie, le 12 décembre.
Retour de tournée
Tout d’abord, le rappel des hauts faits de la tournée européenne par la joviale directrice générale Mélanie La Couture, avec son humour et cette adresse d’élocution à la fois savoureuse et familière, soulignait l’authentique mérite des musiciens lors de ce déplacement.
Puis Nagano est arrivé en son terrain conquis: large sourire avec les extraits les plus connus du ballet Casse-Noisette de Pierre Tchaïkovsky que chacun des fabuleux solistes de l’OSM a rehaussé de la beauté somptueuse de son instrument.
Commande narrative et musicale
Suivait ensuite une œuvre pour contralto et orchestre de Matthew Ricketts (musique), Alain Farah (livret), intitulée Cent soleils, une création mondiale.
Tout reposait, sans relâche, sur l’excellente voix de Marie-Nicole Lemieux, absolument au sommet de son art quelque indisposition qu’elle ait voulu signifier au public via l’annonce, en préambule, au microphone, de la directrice générale. Rien n’a paru de cette indisposition : madame Lemieux a chanté toute cette nouveauté en neuf tableaux avec l’aplomb des plus grandes interprètes de l’histoire vocale.
Un livret de perplexités
Bravo à celui ou celle qui criera Euréka! à la lecture du livret d’Alain Farah qui, d’ailleurs, surgira sur scène avec le compositeur après la prestation de l’ensemble afin de recevoir, bien entendu, les vivats de la foule.
Chargée d’allusions bibliques et métaphoriques en ces accablants temps téléologiques qui nous bombardent d’interrogations mystérieuses tant sur le sens de l’Histoire que sur la solidité des inventions analogiques prédisant ou annonçant ou donnant un sens aux événements, l’œuvre n’atteint pas l’empyrée.
Même en faisant des détours via Hérode et les sept plaies d’Égypte, trop d’analogies se bousculent ainsi au regard interloqué du commun des mortels: toutes ces savantes prestidigitations littéraires ne font plus aucun sens ni musical ni philosophique pour l’humilité de l’entendement humain. La musique de Ricketts en ses inventions ne m’a qu’en très peu d’occasions soulevé, ni en ses dispositions et non plus en vertu d’impact vraiment sublime d’élocutions musicales marquantes.
Des Quatre Saisons amplifiées
C’est une excellente idée de nous faire connaître encore davantage les excellents solistes de l’OSM par cette commande qui aura fait vivre une compositrice d’Ouzbékistan, Aziza Sadikova.
L’oeuvre étant dédiée à Kent Nagano, il s’en explique ainsi qu’il ait été au bâton pour sa promotion et naissance en notre superbe salle. Il l’avait dirigée avec le Deutsches-Symphonie Orchester de Berlin là où le public l’adule aussi depuis longtemps.
Bravoure des solistes
La composition nous a permis d’apprécier à nouveau l’adroit hautboïste Vincent Boilard, la violoncelliste Anna Burden déjà distinguée dans nos pages en son excellente prestation de musique française en septembre (Chausson et Fauré) à la Cinquième Salle, puis l’incontournable Paul Merkelo qui est notre Maurice André depuis 30 ans… enfin le percussionniste Serge Desgagnés a aussi gagné ses galons au dernier concerto de l’œuvre baroque.
Surcharge sonore
On sait qu’un ravissant texte accompagne l’ultra-célèbre œuvre pour cordes de Vivaldi, saison par saison. Aziza Sadikova en est arrivé à augmenter les sonorités instrumentales sans sacrifier les mélodies mais si le cinéma pourra s’approprier cette adaptation-pastiche avec une certaine adresse de patine dans certaines finitions, il est fort improbable que la notoriété sera d’ampleur à celle qui fait, magie concertante, l’objet de l’admiration d’un public universel.
Une curiosité
La réception de cet arrangement, vérifiée chaque fois par votre serviteur ici même comme élément fondamental de la communication artistique, montrait, règle générale, des visages de mélomanes non pas désemparés mais plutôt médusés ou perplexes quoique aussi parfois amusés.
Rien n’était enlaidi, certes, sauf que des bruissements étranges pétris de grincements et de glissandi de portes métalliques imaginaires, mimées ouvertes en la cathédrale sonore, remplissaient le discours musical d’instruments intrus nullement usités du temps de Vivaldi…
Au fil de plusieurs des 12 mouvements constituant les quatre concertos jadis pour gracieux violon et orchestre, ça finissait un peu en claudiquant…
Le programme mensuel en beau papier illustré, encore rédigé à merveille et complété des informations essentielles, pour qui veut s’instruire, guidait tout mélomane curieux de savoir reconnaître ou évaluer ce que ce brave concert offrait comme explorations, expérimentations ou évocations.
Programme et détails
Orchestre symphonique de Montréal
Kent Nagano, chef d’orchestre émérite de l’OSM
Marie-Nicole Lemieux, contralto
Vincent Boilard, hautbois
Paul Merkelo, trompette
Anna Burden, violoncelle
Serge Desgagnés, percussion
Œuvres
Piotr Ilitch Tchaïkovski, Casse-Noisette, extraits (24 min)
Ouverture miniature
Marche
Danse de la fée Dragée
Divertissement : Chocolat (Espagnol) Café (Danse arabe) Thé (Danse chinoise) Trépak (Danse russe) Danse des Mirlitons; Mère Gigogne
Valse des fleurs
Matthew Ricketts (musique), Alain Farah (livret), Cent soleils, pour contralto et orchestre, création mondiale – Commande de l’OSM (20 min)
Entracte
Aziza Sadikova et Antonio Vivaldi, Farbenzeiten, création nord-américaine (48 min)
Les quatre saisons de Vivaldi dans une nouvelle version pour hautbois, trompette, violoncelle, percussion et orchestre par Aziza Sadikova
Frühling [Le printemps]
Sommer [L’été]
Herbst [L’automne]
Winter [L’hiver]
Crédit : Antoine Saito