Une triomphale pièce intitulée Chers parents, écrite par Emmanuel et Armelle Patron, couronne d’allégresse la fin de saison théâtrale au Rideau Vert de Denise Filiatrault!
En effet, l’adaptation québécoise (mise en scène par Marc St-Martin) d’une intrigue désopilante prend la stature des grandes comédies quasi moliéresques auxquelles nous avaient habitués — en y mélangeant à la perfection toutes les formes les plus savoureuses de l’humour — les auteurs de l’autrefois incontournable série La Petite Vie.
Histoire drôle fissurant le vernis familial
L’action — sans la raconter ici sauf pour l’esquisser — pourrait tout simplement se résumer à une histoire drôle de bonne ou mauvaise fortune: celle-ci, toute pétrie d’équivoques prend forme peu à peu au sein d’une famille de classe moyenne où trois enfants volent au putatif secours urgent réclamé par leurs parents un peu cachotiers des faits qui vont révolutionner leurs rapports.
On ignore longtemps sous quel astre ou quel désastre se réunissent les trois contrastants enfants (Simon Beaulé-Bulman, Sonia Cordeau et Steve Gagnon) face à leurs deux parents résolus à faire le bien sur la Terre (la tordante Josée Deschênes joue maman et dans le rôle de papa on retrouve Luc Senay).
Comédie de caractères et humour noir
Le décor passe pour somptueux (vu les coupures dans tous les budgets de nos théâtres, l’œil est séduit de ces lieux bien décorés salon-cuisine et vestibule d’un intérieur de maison de classe moyenne). Mais le public s’abreuve tout souriant aux apartés et aux réflexions ironiques ou de non-sens des brillants acteurs. Est-ce héritage? Est-ce une double demande d’aide à mourir? Un mur de la maison se lézarde progressivement comme si tremblait la Terre sous les fondations de cette maison.
Une volée de quiproquos
On suit avec grâce cette volée de quiproquos parsemés de multiples sens délibérément fautifs: le spectateur rit de toutes les méprises, de ces leurres, de toutes les facéties ou interprétations burlesques ou loufoques où toutes les psychologies demeurent toujours intéressées mais immanquablement caricaturales. Au final, on y reconnaît les générations actuelles de notre société québécoise pour le moins lézardée en ses valeurs chancelantes face à l’argent et tous ses prometteurs attraits! Car il s’agit bien d’argent: mais de combien? et d’où vient-il? et pour qui? et pour quoi?
Rire et délire de forcer fortune
La bonne fortune des parents redressera au bout du compte tout ce tableau hilarant. Cependant, une scène troublante s’enveloppe pendant un long moment d’une démence mystérieuse comme si un règlement de comptes final naîtrait sous nos yeux jusqu’alors amusés… Faux signal.
Quoiqu’on ne veuille jamais cesser d’en rire… une telle scène mène parfois jusqu’au rire jaune face à ce qui préoccupe véritablement notre société matérialiste québécoise, si préoccupée d’affluence et d’image sereine à projeter.
Bienheureux les enrichis
Au sortir de cette représentation, je n’ai pu résister de commenter à la comédienne Dorothée Berryman qui s’avançait à mes côtés, elle qui comme moi s’était aussi passablement amusée tout au fil de la pièce, combien c’était un tableau véridique ou un portrait accablant de ce que nous sommes devenus comme types d’ambitieux ou d’égarés…
Songer au pouvoir de l’argent?
Alors que nous avions un tout autre projet de société québécoise dans les années soixante et soixante-dix, voilà comment l’argent peut susciter violemment de telles métamorphoses chez chaque être humain qu’on campe de la sorte, chacun si préoccupé d’en avoir, d’en obtenir, d’en revendiquer, d’en exiger, d’en extirper, d’en distribuer!
La dérive des blagues, le ton de la farce a certes de quoi faire rire à gorge déployée, même si j’admets que c’est un peu un rire jaune, si on y réfléchit bien, par après…à tout ce cynisme qui suppose vouloir avaler autant d’argent, sous tous les prétextes et par tous les moyens! Au nom du bonheur!?!
Au Rideau Vert jusqu’au 1er juin 2025
Chers Parents
DISTRIBUTION
Simon Beaulé-Bulman, Josée Deschênes, Sonia Cordeau, Steve Gagnon, Luc Senay
TEXTE
Emmanuel et Armelle Patron
MISE EN SCÈNE
Marc St-Martin
DATES
30 avril au 1 juin 2025