Le nouveau spectacle de Catherine Major en surprendra sans doute plusieurs. L’auteure-compositrice qu’on a souvent vue sagement assise au piano passe d’un instrument à l’autre pour livrer les chansons de Carte mère avec des sonorités électro et des projections. Elle se frappe la poitrine, gesticule et se confie en toute simplicité, en nous donnant l’impression d’être dans son salon…
Un peu avant 20h, Catherine est déjà assise au piano pendant que les spectateurs prennent place au Gesù. Durant quelques minutes, un son légèrement strident revient à répétition comme pour annoncer le démarrage imminent avec Bateau bleu, la première pièce du cinquième album de la dame, enregistré avec la participation du Bratislava Symphony Orchestra. On aperçoit d’ailleurs brièvement l’orchestre à cordes dans un film en noir et blanc qui sera projeté durant tout le concert, sur un petit écran aménagé devant les claviers.
Les spectateurs réceptifs se laissent ensuite entraîner dans une relecture presque hip-hop de La Voix humaine, un succès des premières années de la chanteuse. Les harmonies vocales synthétisées avec la complicité du multi-instrumentiste et choriste Maxime Halde-Audet servent admirablement le sujet de la chanson.
Les thèmes sont souvent sombres : l’anxiété (La panique), le pouvoir religieux (Moi non plus), l’alcoolisme (La bouteille). L’artiste affirme pourtant être heureuse et toujours amoureuse de Jeff Moran, père de leurs quatre enfants. C’est d’ailleurs lui qui a écrit la plupart des textes des chansons de Carte mère.
Pourquoi ce titre ? Bien sûr, il évoque la maternité, thème dominant dans le répertoire de Major, mais aussi l’outil informatique, ce circuit de connecteurs permettant le bon fonctionnement d’un portable. C’est de ce côté qu’apparaît la «nouvelle» Catherine, en délaissant souvent son piano classique pour un clavier d’ordinateur qui lui a ouvert tout un éventail de possibilités d’échantillonnages et de rythmiques.
La chanteuse ajoute avec une pointe d’autodérision que son coeur aimant et l’ordinateur qui se trouve dans sa tête lui font vivre un combat intérieur permanent !
Quoi qu’il en soit, la lutherie électronique ne fait pas ombrage aux émotions de l’artiste. Je dirais même que les nombreux moments d’intensité se trouvent amplifiés par les «grooves». Plus encore, la danse contemporaine accompagne ce voyage musical, puisqu’on a filmé un danseur et une danseuse dont les gestes s’arriment aux rythmes des chansons. Reste à savoir si on a pu voir clairement, partout dans la salle, les images projetées sur ce petit écran.
Parmi les temps forts de la soirée, soulignons Tableau glacé, un texte qu’elle a écrit pour dire à une grande amie d’abandonner sa lutte contre un cancer du sein, car son combat perdu d’avance était trop douloureux. Cette femme aujourd’hui disparue n’aura toutefois jamais entendu la chanson qui n’était pas encore enregistrée à l’époque.
En résumé, Catherine Major, semble en pleine mutation. Toujours intense, elle a trouvé en Maxime Halde-Audet un complice parfait pour s’amuser avec les «machines» et sa musique s’en trouve enrichie. Voilà ce qu’on appelle se réinventer ! Bravo !
Catherine Major / Carte mère était présenté au Gesù le 17 juin 2022 dans le cadre des Francos
Plusieurs représentations à venir : Détails