On dit parfois que les plus grands artistes sont aussi les plus aimables. Cette vérité s’impose après mon emballante rencontre de plus d’une heure avec Michel Fugain, charmant géant de la chanson française ! Non seulement l’octogénaire est en grande forme et toujours passionné par son métier, mais il est d’une chaleur humaine et d’une simplicité plutôt rares chez les stars ! «Revenir au Québec, c’est un besoin», dit-il. «Retrouver votre peuple si particulier, c’est un peu comme renouer avec les Corses.» L’interprète de Attention mesdames et messieurs, Tout va changer, Fais comme l’oiseau, etc., sera en tournée québécoise au printemps prochain. Ce rendez-vous revêt d’ailleurs une signification particulière, entre autres, parce qu’il célébrera ses 81 ans sur une scène trifluvienne !
Une romance d’aujourd’hui
Malgré le décalage horaire, l’enthousiaste et volubile visiteur se donne pleinement en entrevue et se prête volontiers aux séances de photos, en plus de participer à des émissions de télévision sans fatigue apparente. Quel est son secret ? «La réponse est devant vous», précise-t-il, en nous présentant sa deuxième épouse, Sanda, qui est aussi du spectacle Michel Fugain fait bandapart, avec quatre autres musiciens.
«C’est avec elle que je suis remonté à la surface après avoir sombré lors du décès de ma fille, Laurette, en 2002». Voir son enfant emportée par la leucémie alors qu’elle n’avait que 22 ans est, indiscutablement, une épreuve terrible ! Mais, peu de temps après, il a fait la rencontre de cette femme d’origine roumaine qui allait changer sa vie. «Elle est mon soleil! Malgré la douleur que je ressens encore aujourd’hui, je ne suis pas dans le pathos. J’aime la vie !»
La fête
Il faut dire que Fugain a su faire sa chance. Grâce à sa mémoire remarquable, il me raconte, avec des étoiles dans les yeux, la fabuleuse histoire du Big Bazar qui a marqué les années 1970. Il avait choisi une cinquantaine de jeunes pour leur personnalité, mais ils ne savaient ni vraiment chanter, ni danser ! L’artiste remercie encore aujourd’hui le regretté Bruno Coquatrix de leur avoir prêté le quatrième étage de L’Olympia comme studio de répétition.
C’est là qu’ils ont pu mettre au point des numéros qui allaient charmer l’imaginaire de toute une génération. «Et nous recevions tous le même cachet à chaque spectacle ! Nous étions égalitaires !», s’amuse Fugain. «J’ai tout appris avec le Big Bazar ! Ça aura été mon université !»
Alors que tant de chansons à succès sont très vite oubliées, comment expliquer que celles du Big Bazar soient devenues des hymnes humanistes qu’on se plaît à réécouter cinquante ans après leur création ? Bien sûr, les textes de Pierre Delanoë, Claude Lemesle, etc, y sont pour beaucoup et que dire des irrésistibles mélodies composées par Fugain ! «Quand on s’attache longtemps à une chanson, je crois que c’est parce qu’elle est porteuse de quelque chose d’essentiel que l’on partage.»
«Je veux clarifier des choses»
Cela dit, notre homme va profiter de la tournée Fugain fait bandapart pour «clarifier des choses». Il a beau avoir surtout chanté l’amour, le bonheur et la liberté, il veut qu’on réalise que « Fugain, ce n’est pas que La fête ! » Il souligne qu’il y a une forme d’engagement social dans ses chansons, si pacifistes soient-elles.
Des exemples ? Bravo monsieur le monde, entre autres, parlait déjà d’environnement, il y a un demi siècle : «Monsieur le monde… Nous vous demandons pardon Pour tous ceux qui vous abîmerons». Malgré ses airs angéliques, Fais comme l’oiseau, ne manquait pas de mordant : «Mais j’en ai marre d’être roulé
Par des marchands de liberté».
Je n’aurai pas le temps
Après l’époque du Big Bazar, l’artiste a d’ailleurs poursuivi sa route, en enregistrant des albums solo dont certains titres engagés ont résonné jusqu’ici ; on pense, entre autres, à La bête immonde et Ne m’oublie pas. On se souviendra, également, qu’avant la période bénie des années 1970, Fugain avait déjà gravé un classique de la chanson française : Je n’aurai pas le temps.
« Je crois que mon interprétation de cette chanson est beaucoup plus pertinente aujourd’hui ! Quand je l’ai enregistrée, en 1967, j’avais 25 ans ! Comme tous les jeunes de cet âge, j’avais l’impression d’être immortel ! Je n’avais pas peur de manquer de temps. » Mais, qu’en est-il aujourd’hui ? « Plus ça va, plus c’est clair que « je n’aurai pas le temps de tout faire ! » Avec l’immense feu qui brûle encore en lui après huit décennies de vie, il est évident que même « des milliers de jours, c’est bien trop court ! ».
Heureusement, Fugain et sa bande seront de retour en spectacle au Québec, à compter du mois d’avril. Ce monstre sacré de la chanson soufflera d’ailleurs sa 81e chandelle, le soir même de son anniversaire, à la salle J.-Antonio-Thomson de Trois-Rivières et le lendemain, il sera à la Place des Arts.
Michel Fugain fait bandapart
En tournée au Québec à compter d’avril 2023
Au Grand Théâtre de Québec, le 3 mai
Au Théâtre Maisonneuve, Place des Arts, le 13 mai