Réouverture des salles de spectacle, troisième vague, zone rouge… qui aurait pu dire il y a quelques mois que la pandémie serait un terreau fertile en créations et (ré)adaptations de toute sorte? Francine Bernier, directrice artistique et générale de l’Agora de la danse, nous parle de la programmation de ce printemps 2021, pas comme les autres, et qu’on espère quand même comme les autres.
Charleyne Bachraty : Intimité, solitude, bouleversement, stress, humour aussi…. Les thèmes des chorégraphies raisonnent de manière particulière dans le contexte actuel. Est-ce que vous pensez que le public va s’impliquer émotionnellement de manière plus importante ?
Francine Bernier : Oui, je pense. Vous savez, la vie est faite de beaux accidents. On avait prévu des pièces de groupes, et la pandémie est arrivée. Le contact, ce n’était plus possible. Parmi les artistes, certains faisaient déjà partie de la programmation, avec une proposition qui pouvait être présentée dans ce contexte. D’autres se sont adaptés comme Jacques Poulin-Denis qui avait une pièce aux multiples personnages, donc c’est pour ainsi dire bien tombé. Catherine Gaudet s’est ajoutée et s’est aussi adaptée : d’une pièce de groupe, elle s’est concentrée sur un solo qu’elle avait en projet et qui est finalement devenu concret. Estelle Clareton était elle aussi au programme. Quant à La question des fleurs, les interprètes sont en couple dans la vie, donc cette création est venue naturellement, et le projet a pu voir le jour en tout en respectant les nouvelles mesures. Tout a fini par se replacer.
CB : Justement quand l’on pense à Jacques Poulin-Denis dont le spectacle avait déjà été reporté, diriez-vous que l’Agora a élargi sa mission, en soutenant la création, mais aussi la santé morale des artistes ?
FB : Les artistes sentent ce qui se passe, et sont le reflet de ce que nous ressentons. Ils se sont nourris de l’actualité et leur façon de travailler comme la nôtre n’a pas changé… Moins de proximité, c’est certain, mais l’Agora, c’est une maison de la danse, qui explore sur le long terme. Il y a des artistes avec qui nous travaillons depuis 15 ans, on a une belle complicité, une méthode qui fait partie de notre ADN. Les artistes font preuve d’une admirable résilience et dans notre façon de faire, on ne travaille pas pour un seul spectacle, mais dans une perspective plus grande.
CB : Quels ont été les défis de la webdiffusion ? Allez-vous inclure cette plateforme de visionnement dans vos spectacles « post » pandémie ?
FB : La webdiffusion et la danse, c’est compliqué ! Heureusement, nous pouvons compter sur notre réalisateur, Louis-Martin Charest, qui est aussi danseur. Il a donc ces deux visions, technique et artistique. On veut que le public ressente le plus possible ce qui se passe sur scène. On sait que l’on n’aura jamais la même expérience qu’en direct, mais on va avoir autre chose. C’est important qu’il se passe quelque chose. Par la suite, on va maintenir cette plateforme – pas avec tous les spectacles – mais nous avons déjà prévu de répéter l’expérience pour deux spectacles à l’automne et deux autres à l’hiver.
CB : Est-ce que vous pensez pouvoir rejoindre un autre public grâce à la webdiffusion ?
FB : Oui, on espère ! Beaucoup de spectacles de danse contemporaine ne se rendent pas en région. Pour nous, c’est une façon de poursuivre et de développer cet art en dehors de Montréal. Avant la pandémie, ce n’était pas une option que nous avions envisagée, mais la situation a été une prise de conscience. Après, il a fallu un peu de temps pour maitriser cet outil, car c’est plus compliqué qu’avec d’autres formes d’art. On voulait faire les choses bien. On va continuer d’apprendre, ça va être aussi des essais-erreurs, mais on a des objectifs pour ça.
CB : Dans la perspective d’un « après », est-ce que vous aurez toujours la pandémie comme épée de Damoclès, vous obligeant à avoir un plan B systématiquement ?
FB : Pour le moment, nous sommes prêts et adaptés au contexte actuel jusqu’à l’automne. Pour 2022, on verra, mais l’Humain s’adapte et on espère que la vie va reprendre son cours, éventuellement, d’ici Noël. Il faut rester prudent, mais positif, sinon c’est dur.
Consultez la programmation de l’Agora de la danse en ligne : agoradanse.com.
Crédit photo : Agora de la danse