Renaud, légendaire chanteur français qui a vendu quelque 20 millions de disques en 50 ans de carrière, a fait salle comble, ce soir (17 mai), au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts. Après plus de 15 ans d’absence dans la Belle Province, l’auteur-compositeur de Ma gonzesse, Mistral gagnant et Manu a pu constater que ses admirateurs québécois n’ont pas oublié les paroles de ses chansons, puisqu’on a volontiers chanté avec lui durant une bonne partie de la soirée. Heureusement, car le septuagénaire a tant de problèmes d’élocution qu’on perd souvent le fil.
Celui qui fut un enfant terrible, allant jusqu’à narguer la toute puissante Madame Thatcher (Miss Maggie), semble aujourd’hui très affaibli. D’ailleurs, c’est troublant de voir Renaud apparaître sur scène le corps raide et la démarche hésitante, alors qu’il commence son tour de chant avec J’ai cent ans. Malgré tout, il est debout et on lui crie: «Bravo Renaud!
Peu loquace, il enchaîne avec Le petit chat est mort, chanson lugubre s’il en est. Suivront La pêche à la ligne, En cloque, etc. Dès les premiers accords, chaque mélodie est accueillie comme un cadeau en soi par les admirateurs de ce poète reconnu comme un porte-étendard de la critique sociale.
Malheureusement, on ne saisit qu’un mot ici et là de Marchands de cailloux, C’est quand qu’on va où?, Manhattan-Kaboul, etc. Les textes sont souvent dits plutôt que chantés. La voix est rauque. Le chanteur qui semble manquer d’équilibre s’asseoit péniblement sur une chaise où il restera durant près de la moitié du spectacle.
«Je ne suis pas malade»
Visiblement agacé par les critiques qu’il a essuyé lors de son spectacle à Gatineau, plus tôt cette semaine, l’homme de 72 ans lance: «Je ne suis pas malade! Ça fait 50 ans que je n’ai pas eu un rhume ou une bronchite!»
Du même souffle, l’artiste nous confie sa fierté de ne plus consommer d’alcool depuis plus de trois ans et aussi d’avoir cessé de fumer depuis plus d’un an, ce qui est «plus héroïque encore», ajoute-t-il. Malgré ces efforts louables, on ne reconnaît pratiquement pas la voix de Renaud qui nous a donné l’impression de marmonner, en fixant ce qui semblait être un écran installé à ses pieds et qui servait sans doute de téléprompteur.
Cela dit, l’artiste est entouré de dix musiciens (piano, accordéon, guitare, violons, alto et violoncelle). Les arrangements sont harmonieux et soyeux. Visuellement, la scène est magnifiquement éclairée, entre autres, par un genre d’assiettes lumineuses dont les couleurs se transforment au gré des ambiances musicales.
Hommage à Karl Tremblay
Comme il l’avait promis, Renaud a rendu hommage au regretté Karl Tremblay en présentant Sur mon épaule comme étant l’une des «plus grandes chansons du siècle!» Ce fut l’un des temps forts de cette soirée, suivi d’une longue ovation.
S’il est vrai que quelques spectateurs ont quitté la salle au cours de la représentation, il faut aussi dire que la majeure partie du public a continué de chanter avec Renaud jusqu’aux ultimes rappels : Morgane de toi et La ballade nord-irlandaise. Reconnaissant devant la ferveur de ses fidèles, Renaud dit parfois merci en joignant les mains comme on le fait lors d’une prière. Ces marques de respect lui sont rendues par de vibrants: «Merci Renaud!»
Au fond, les admirateurs de monsieur Séchan savaient à quoi s’attendre. Ils avaient sans doute vu des vidéos de ses récents concerts en France. Même si l’artiste de scène n’est plus ce qu’il était, on tenait à être là pour le retrouver avec émotion comme un proche fragilisé par le temps. L’éclat des grandes années ne s’oublie pas. C’est aussi la nostalgie qui nourrit les relations durables.
Renaud poursuivra sa tournée québécoise à Trois-Rivières, le 19 mai et à Québec, le 21 mai. Détails
*Photos fournies par Les Agents Doubles