Stoneburner, c’est le polar qui prend sa source dans le drame et dans l’enquête. Pas de dimension policière ici, mais une relation triangulaire et malsaine, articulée autour de John Stoneburner et William Thibodeaux – revenus en vie du Vietnam, mais morts en dedans – et Cathy Meecham, manipulatrice dotée d’une grande beauté, mais dépourvue de toute moralité. Road trip, enquête, drame, puis final digne d’un crissement de pneus dans le désert : l’histoire ne comporte aucun artifice comme ses personnages : bruts et directs.
L’auteur William Gay, justifie d’entrée de jeu son choix rédactionnel : pas de guillemets pour les dialogues, qui feront ainsi partie intégrante du récit. Si cela peut perturber au début, force est de constater que ce stratagème sert l’histoire bien plus que l’on ne l’aurait pensé. Les dialogues nous permettent de la comprendre, mais c’est dans la continuité du récit – renforcée par le non-emploi des guillemets donc – que notre ressenti vis-à-vis des personnages va se construire.
Stoneburner, c’est donc un récit sans coupures, comme un film en deux parties. Dans la première, l’échappée de Thibodeaux et de Cathy. Thibodeaux se ramasse avec une mallette pleine d’argent d’un deal de drogue, et kidnappe la princesse retenue « prisonnière » par un ancien shérif, Frank Holder alias Cap Holder, vieux et violent. Aucun romantisme là-dedans, et pourtant de la part des hommes, ce n’est pas le désir qui manque. Dans la deuxième partie, Stoneburner, se voit confier la mission de retrouver la belle en cavale par nul autre que Cap Holder. Oui, mais voilà, elle est partie avec son ancien compagnon d’armes, celui-là même qui lui a pris sa femme à l’époque. La vie des fois…
Derrière l’apparente froideur et rancune que se vouent Stoneburner et Thibodeaux, se cachent un lien indéfectible. Ces deux têtes brûlées se sont connues dans les affres de la guerre, et se sépareront dans une métaphore qui lui est proche. On n’en sort pas…
On aime détester Thibodeaux, qui derrière ses manières peu délicates, cherche quelque chose de bien simple. On déteste aimer Cathy, dont on soutient les attitudes frondeuses, mais dont on déplore l’égoïsme. Quant à Stoneburner, il agit dans les faits et résonne dans le présent. Le passé le gruge de l’intérieur, mais à quoi bon.
Il y a une sorte de résilience mélancolique qui unit tous les protagonistes masculins. Ils semblent tous avoir abandonné une partie de leur âme – si tant est qu’ils en aient eu une – pour aider Cathy à foutre le camp. Peut-être parce qu’elle a décidé que la vie – si dure soit-elle – en valait la peine. Alors qu’eux cherchent encore une raison de vivre.
Stoneburner – William Gay
Éditions : Gallimard
Genre : Romans et récits
384 pages