La 46e édition du Festival de Lanaudière restera sans doute longtemps gravée dans les mémoires! D’une part, les 1 200 mélomanes présents au concert de l’ensemble Cappella Mediterranea et son chef Leonardo García Alarcón, à l’Amphithéâtre Fernand-Lindsay, pourront dire qu’ils ont assisté à un évènement historique! Rien de moins! De plus, malgré le mauvais temps et les quelque 110 millimètres de pluie tombés sur Joliette, le 21 juillet, on a réussi à présenter avec succès tous les spectacles prévus en fin de semaine dernière. Même si la météo demeure un facteur préoccupant, on se prépare maintenant à accueillir Yannick Nézet-Séguin et l’Orchestre Métropolitain qui se produiront trois fois, d’ici la fin du Festival.
Un concert historique

Crédit: Annie Bigras
La présentation de L’Orfeo de Monteverdi, considéré comme le premier opéra connu de l’histoire de la musique, était attendue comme LE concert de l’été par de nombreux mélomanes et ils n’auront pas été déçus! Le phénoménal ténor Valerio Contaldo, dans le rôle-titre, porte à lui seul une grande partie de l’immense émotion qui se dégage de ce concert. Avec la complicité du directeur musical García Alarcón et des musiciens de son ensemble, chaque phrase et même chaque mot, heureux ou tristes, sont finement traduits en musique.
La qualité d’écoute du public fut remarquable, malgré la sonnerie d’un cellulaire et le déclenchement d’une alarme d’auto stationnée à proximité de l’Amphithéâtre. Heureusement, ces inconvénients n’allaient pas détourner durablement l’attention des mélomanes envoûtés par l’extraordinaire beauté qui s’offrait à eux!
Même s’il n’y avait pas de mise en scène à proprement parler, les interprètes dont la soprano Mariana Flores (Euridice, Musica) se déplaçaient judicieusement sur scène et parfois dans la salle. En somme, nous avons assisté à un spectacle d’environ deux heures, porté par un dynamisme sans failles ! Au-delà des déplacements, on retient surtout la conviction avec laquelle chacun et chacune vit son personnage! En plus d’une dizaine de solistes d’exception, on se souviendra de l’excellent Choeur de chambre de Namur. En tout, 55 artistes ont habité pleinement la scène et fait vibrer le public réuni à l’Amphithéâtre Fernand-Lindsay, samedi soir (22 juillet).
Sachant que ce lieu enchanteur peut accueillir jusqu’à 5 000 personnes, une assistance de 1 200 spectateurs, pour un évènement de l’envergure de L’Orféo, est-elle satisfaisante? «C’est plus qu’honorable pour un opéra baroque», estime Renaud Loranger, directeur artistique du Festival.
Les dessous d’une annulation
Alors, pourquoi avoir annulé le concert tant attendu des Vêpres de la Vierge de Monteverdi qui devait être présenté par cette même équipe artistique, deux jours plus tard? La réponse à cette question est complexe, prévient monsieur Loranger qui y voit «une situation extraordinairement malheureuse et une combinaison d’éléments inattendus.»
D’abord, il faut rappeler que l’orchestre invité est basé en France, alors que le choeur est belge. Leur visite à Lanaudière reposait en partie sur des subventions venues de France et de Belgique. «Nous avons appris à la toute fin du printemps que ces enveloppes seraient bien inférieures à ce qui était prévu. Plus encore, dans l’exercice en cours on a perdu une part importante d’une subvention du gouvernement du Québec. Nous avons donc décidé de sacrifier Les Vêpres.»
Le public s’était-il montré intéressé à ce concert qui devait avoir lieu à la Cathédrale de Joliette? «Nous avions vendu quelques centaines de billets et je crois qu’en général, les festivaliers n’ont pas demandé de remboursement.» Leurs billets ont donc été échangés pour le concert intimiste, offert en remplacement et réunissant Mariana Flores, ainsi que García Alarcón et quelques musiciens à l’église de la Purification de Repentigny.
La météo et les festivaliers
Cela dit, on sait que l’une des forces du Festival de Lanaudière est de pouvoir offrir des places à bas brix sur le gazon de l’Amphithéâtre Fernand-Lindsay. Mais, les festivaliers sont-ils toujours au rendez-vous, malgré les craintes de voir se répéter les orages violents qui frappent un peu partout au Québec, cet été? «Il est encore trop tôt pour mesurer les effets de la météo sur nos mélomanes», estime monsieur Loranger. «Par contre, il est évident que les gens ont maintenant tendance à réserver au dernier moment. On réalise, également, qu’une partie de notre public traditionnel n’est pas revenu après la pandémie.»
120 musiciens sur scène
Quoi qu’il en soit, les amateurs de grands orchestres ont un rendez-vous avec Yannick Nézet-Séguin et l’OM qui interpréteront la Symphonie alpestre de Richard Strauss, le 28 juillet. Pour ce concert, l’Orchestre Métropolitain accueillera quatre réputés cornistes, associés, entre autres, à la Staatskapelle ou encore au Philharmonique de Berlin. Une oeuvre de Robert Schumann, plutôt rarement jouée, est au programme de cette soirée: Konzertstück pour quatre cors et orchestre en fa majeur, op. 86.
Le lendemain, 29 juillet, Marc-André Hamelin se joint à l’orchestre pour interpréter, entre autres, le Concerto pour piano no 3 de Rachmaninov. C’est d’ailleurs, l’OM qui clôturera le Festival, avec Seong-Jin Cho (premier prix du Concours international Chopin de Varsovie, en 2015). Au programme de cet ultime concert, le 6 août: le Concerto pour piano no 1 de Chopin et la Symphonie «Pathétique» de Tchaïkovski.
Une brochure qui laisse perplexe
En terminant, vous êtes-vous demandé qui est photographié sur la couverture du «programme-papier» du Festival de Lanaudière 2023 ? Alors qu’on a réussi à attirer des musiciens reconnus internationalement dont William Christie et Leonardo García Alarcón, on a choisi une pure inconnue qui, d’ailleurs, ne se produit même pas au festival! Comme on dit en langage populaire, quel est le rapport?
«Je suis heureux de votre observation», dit monsieur Loranger qui reconnaît là un choix douteux. «J’espère que votre remarque aura plus de poids que la mienne auprès de mon équipe!» On aurait sélectionné cette «figurante», après avoir passé des «auditions»!
Compte tenu du fait qu’on vient d’annuler un concert majeur faute de moyens financiers, comment a-t-on pu trouver de l’argent pour tenter de donner ainsi au festival un visage emprunté! On s’attend à plus de profondeur de la part d’une organisation dont la mission est d’entraîner les mélomanes au coeur de la musique, grâce à l’authenticité de ses interprètes.
Programmation du Festival de Lanaudière